D'après Michel Raimond, "au fond, le sujet de prédilection du nouveau roman, c'est l'impossibilité de raconter une histoire [...] . Le roman est impossible chez N. Sarraute comme chez M. Duras. [...] La saisie de l'existence empêche d'écrire un roman. On ne peut, à la fois, dire ce qui est et raconter une histoire."
Dans quelle mesure cette analyse vous partait-elle s'appliquer aux deux œuvres ? (Le planétarium de N. Sarraute et Le ravissement de Lol V. Stein de M.Duras)
[...] Et, dans Le Ravissement de Lol V.Stein, il existe indubitablement une histoire. Lol cherche désespérément une résolution du trauma du bal initial, Jacques Hold amoureux enquête sur la jeune femme, qui de son côté le recherche aussi. L'histoire progresse inexorablement, à travers des étapes telles que la rencontre dans la maison de Lol: « - Je veux, dit-elle. Elle se tait, regarde ma bouche. Et puis voici, nous avons les yeux dans les yeux. », jusqu'au dénouement où Jacques Hold et Lol se rejoignent physiquement. [...]
[...] Elle ne parla que pour dire qu'il lui était impossible d'exprimer combien c'était ennuyeux et long, long d'être Lol V. Stein. On lui demandait de faire un effort. Elle ne comprenait pas pourquoi, disait-elle. Sa difficulté devant la recherche d'un seul mot paraissait insurmontable. Elle parut n'attendre plus rien. » Elle vit son mariage avec Jean Bedfort comme quelque chose d'irréel, elle a des enfants, tient sa maison, s'échappe chaque après-midi dans des promenades au cours desquelles elle ne ressent pas grand chose. [...]
[...] Les belles certitudes de l'époque ancienne volent en éclat. L'ombre du Néant rôde dans une littérature d'après la Shoah. Les écrivains modernes se revendiquent pourtant toujours comme « romanciers ». Leur nouvelle ambition s'affirme dans une écriture entièrement réformée, faite chez Nathalie Sarraute de phrases longues, peu ponctuées, multipliant les points de suspensions, hésitations dans les monologues intérieurs, ou chez Marguerite Duras de notations mêlant de courts dialogues, des phrases rapides, qui épousent la sensation éprouvée dans l'instant. C'est à chaque fois une écriture du « flux de conscience », qui n'exclut pas l'intrigue, fût-elle ténue. [...]
[...] Tout le roman consiste en l'effort de Jacques Hold, amoureux de Lol V. Stein, pour nouer ensemble les fils d'un récit qui lui échappe, l'histoire de Lol. A la fois acteur et spectateur du roman, il recherche vainement un fil directeur, un sens, à ses comportements. Il lui arrive d'interroger son amie Tatiana, mais ses réponses sont insatisfaisantes. « Au collège, dit-elle, et elle n'était pas la seule à le penser, il manquait déjà quelque chose à Lol pour être - elle dit : là. [...]
[...] Il n'y a pas de liens, et donc pas d'histoire possible. Chacun vit une histoire personnelle indépendamment de celles des autres. Parfois, une situation donne lieu à des commentaires distincts des personnages. C'est le cas par exemple dans les dernières pages du livre, où la même scène entre la tante et l'oncle est évoquée séparément par l'une puis par l'autre. La vie est donc représentée comme fragmentée et solitaire, elle ne peut être rassemblée dans un récit totalisant comme en écrivaient les romanciers du XIXème siècle. [...]
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