Si l'on en croit la citation proposée, la morale dans les Fables de La Fontaine semble depuis longtemps délaissée par les enfants. Dans la mise en scène actuelle des Fables, enfants et même adultes apprécient le récit, sa gaieté et sa fantaisie. J. Anouilh en apporte la preuve, en transposant certaines fables comme « La cigale et la fourmi » au vingtième siècle. Il nous donne alors une véritable comédie en plusieurs actes, pleine d'action, d'humour et d'ironie, où la satire des chanteurs et imprésarios est particulièrement réussie.
Cependant est-il bien sûr que la moralité des fables et les leçons données soient à rejeter comme des appendices inutiles et sans intérêt ? (...)
[...] Si nous dépassons le cas de la fable, peut-on dire qu'il y a incompatibilité entre la littérature et la morale ? Toute production littéraire réussie, tout chef-d'œuvre littéraire ne comporte-t-il pas une leçon morale indirecte, implicite, une morale en action ? Et cette leçon n'est-elle pas d'autant plus efficace qu'elle résulte simplement du récit de la vie, comme dans Madame Bovary ? Remarquons d'abord que ce sont les romans sentimentaux, romanesques, qui ont donné à Emma l'exemple d'une vie merveilleuse, irréelle, faite uniquement de grandes passions. [...]
[...] De façon plus générale, y a t il incompatibilité entre morale et plaisir, entre morale et littérature ? On a accusé parfois la morale des Fables d'être plate et vulgaire, conformiste et même contradictoire. Regardez, dit-on, la leçon donnée par La cigale et la fourmi Ne vante-t-il pas les valeurs bourgeoises traditionnelles, le travail, l'économie, la prudence ? Allons plus loin : cette fourmi elle-même n'est-elle pas indifférente à la misère d'autrui et égoïste ? Mais on peut se demander aussi si La Fontaine est cigale ou fourmi ? [...]
[...] Le réveil brutal devant la réalité fait rire. Ici, comme dans Le curé et le mort il s'agit d'humains, mais La Fontaine a recours souvent au symbolisme animalier pour donner une leçon générale. Dans Le coche et la mouche la mouche désigne à merveille ces individus fâcheux et importuns, qui s'introduisent partout et louent l'homme important et nécessaire. Dans Le curé et le mort la morale redouble en quelque sorte celle de La laitière et le pot au lait mais le contexte est bien différent qui nous fait songer aux fabliaux du Moyen Age, avec ce curé si attaché aux biens et aux plaisirs de ce monde. [...]
[...] La fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Qui dit et pense cela ? La Fontaine ? La fourmi ? La cigale ? Tout cela reste bien ambigu. En fait, la cigale et la fourmi n'ont pas les mêmes valeurs de référence. On peut voir ici une morale religieuse qui dénonce le manque de charité d'un chrétien envers un autre, ou une morale laïque qui dénonce le manque de solidarité. Mais il y a aussi une autre vision : le monde bourgeois de la fourmi vante le travail productif, par opposition à celui de l'aristocratie, qui s'attache aux plaisirs de la création artistique, le chant et la danse . [...]
[...] Le rythme allègre des premiers vers (vers 1 / alexandrin puis octosyllabe, césure médiane à l'hémistiche des alexandrins, rendent parfaitement le pas sautillant de la laitière impatiente. Le verbe prétendait (vers dénonce ironiquement l'illusion du personnage. L'expression majestueuse La dame de ces biens pour désigner une petite paysanne prête à sourire également. Toute cette gaieté se trouve pour ainsi dire reprise et résumée dans le vers 23 Adieu, veau vache, cochon, couvée qui reprend en sens inverse les étapes du rêve et ramène malicieusement Perrette à son point de départ. [...]
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