Le XVIIe siècle se place sous le signe de la grandeur et des fastes bien connus qui caractérisent le règne de Louis XIV. Aussi, dans une société où triomphent de fausses valeurs matérielles et qui fait la part belle à la futilité, l'homme d'esprit semble parfois adopter une position de retrait. Son refus de tomber dans l'hypocrisie courtisane et de jouer auprès des grands un rôle d'assujettissement volontaire donne souvent de lui l'image d'un solitaire obnubilé par la satire. Voilà sans doute pourquoi Francis Jeanson nous dit que « le moraliste, tôt ou tard, se situe en marge des hommes : il n'est plus que regard jeté sur leurs agitations et peut les condamner sans courir lui-même aucun risque ». Cette assertion pessimiste – le « tôt ou tard » indique une évolution fatale – pose en fait la question de la place du moraliste dans la société. Francis Jeanson nous donne ici une définition restrictive de ce personnage et nous en dresse un portrait péjoratif, puisque la figure même du moraliste disparaît derrière un regard hâtif et accusateur dans lequel ce dernier ne s'inclue pas. Cependant, pouvons-nous vraiment résumer la fonction du moraliste à un rôle de moralisateur ?
Dérivé du latin mores, qui a donné en français « mœurs » aussi bien que « la morale », le terme « moraliste » est marqué par une ambivalence entre la simple description et la volonté prescriptive. Nous allons donc voir que, si le moraliste se livre à une critique acerbe de la société, il n'est pas pour autant un moralisateur qui s'exclue de la société.
[...] Les opinions varient à l'évidence selon les individus et les points de vue. Le moraliste en vient donc à suggérer un principe d'incertitude générale 91) des jugements, se plaçant dans une sorte de retrait prudent et ironique, et laissant son lecteur juge des propos que lui, auteur, avance. Adoptant un peu la même attitude, La Fontaine adopte le genre de la fable, qui lui permet de ne jamais conclure sur une réponse unique et définitive, puisque la chute en est suffisamment ouverte pour inviter le lecteur à trouver ses propres réponses. [...]
[...] Son point de vue n'est pas celui d'un naturaliste soucieux d'exactitude, mais celui d'un artiste qui aime les bêtes, s'est plu à les observer, et a trouvé en elles un prétexte lui permettant de contourner la censure. Louis XIV, en effet, n'aimait guère La Fontaine, ce que l'on conçoit aisément en relisant certaines fables de l'auteur. Mais la vengeance du roi, protecteur lucide et libéral des lettres et des arts, s'est toutefois limitée à retarder l'élection du fabuliste à l'Académie française. [...]
[...] Cependant, pouvons-nous vraiment résumer la fonction du moraliste à un rôle de moralisateur ? Dérivé du latin more, qui a donné en français mœurs aussi bien que la morale le terme moraliste est marqué par une ambivalence entre la simple description et la volonté prescriptive. Nous allons donc voir que, si le moraliste se livre à une critique acerbe de la société, il n'est pas pour autant un moralisateur qui s'exclue de la société. I / Dimension critique du moraliste Le moraliste se livre bien souvent à une critique acerbe de son temps qui peut sembler être une condamnation sans appel de la société. [...]
[...] III / Le moraliste face à la société Cependant, ces idéaux ne peuvent se mettre en place facilement. C'est pourquoi le moraliste ne peut s'exclure de la société s'il veut pouvoir voir son projet aboutir. les moralistes et la censure Le moraliste est ainsi confronté à une prise de risque continuelle, qui est celle de la censure. Plusieurs censures sévissaient à l'époque : celles-ci pouvaient être religieuses ou politiques. Or, outre le découragement de voir un travail anéanti par le sceau d'une censure implacable, les dommages financiers étaient également importants pour les moralistes du XVIIe siècle. [...]
[...] Il serait donc réducteur de dire que les moralistes sont seulement des auteurs satiriques. La Fontaine, par exemple, ne se contente pas de stigmatiser les comportements sociaux. Ses Fables traduisent aussi le contrepoint du rêve d'une société idéale, où la violence brute et naturelle serait soumise à l'apparition d'une autre valeur naturelle : la Raison, faculté de l'esprit humain dont la mise en œuvre nous permettrait de fixer des critères de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal et de mettre en œuvre des moyens en vue d'une fin donnée. [...]
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