Dans les années 1880, la conjonction de deux événements dans l'histoire des idées explique l'évolution du genre de la nouvelle :
- d'une part, dans le domaine de la vie psychologique, on note un grand intérêt pour l'hystérie qui se traduit par un renouvellement des travaux, et un grand intérêt de la philosophie pour la conscience individuelle et les mécanismes de la pensée (cf œuvres de William James et de Henri Bergson qui ont échangé tous les deux une correspondance. L'Essai sur les données immédiates de la conscience fonde un nouveau type d'interrogation sur la conscience humaine).
- d'autre part, dans l'évolution des genres narratifs, on note une remise en cause de la notion d'intrigue, notion qui se transforme surtout au début du vingtième siècle.
Déjà des romanciers comme Flaubert dénonçaient cette primauté de l'intrigue, et cela prendra plus tard le nom de focalisation interne. Ce qui devient primordial, c'est ce qui est perçu. Cf écrits de Valery sur la remise en cause de l'intrigue, et chez Virginia Woolf l'absence de chute, une nouveauté qu'elle applique dans sa propre écriture. Ensuite, toute une génération d'écrivains sera confrontée aux mêmes problématiques (c'est-à-dire détournement de l'intrigue au profit d'une concentration sur la vie intérieure : cf Proust, Joyce, Woolf…). Schnitzler écrit le premier roman de la langue allemande seulement en monologue intérieur : le Lieutenant Gustl (1901). Le premier roman de Woolf (The Voyage Out, 1915) consiste en une juxtaposition de monologues intérieurs. Valéry Larbaud écrit des nouvelles racontées du seul point de vue d'enfants.
L'intrusion d'un monologue intérieur n'est bien entendu pas nouvelle, mais consacrer entièrement un texte au monologue intérieur est une grande nouveauté. La technique du monologue intérieur est définie par Tchernychevski qui souligne la difficulté à rendre la rapidité des mouvements psychologiques. En français, le monologue intérieur suppose une écriture à la première personne. On peut très bien écrire à la troisième personne, mais dans ce cas, il serait plus pertinent de parler de stream of consciousness.
[...] Dans cette nouvelle, l'événement est en effet quelque chose d'intérieur. On peut établir une distinction intéressante entre le stream of consciousness et le monologue intérieur, car chez Pirandello l'intérieur est davantage thématique que présent dans le mode de construction. La chute participe également au renouvellement de la notion d'intrigue en ce que ces nouvelles s'achèvent souvent de manière ouverte. Pirandello a écrit une autre nouvelle sur la lune : Il male di luna. C'est l'histoire d'une jeune fille pauvre qui épouse un jeune homme riche. [...]
[...] C'est l'ultime renversement. Pour conclure, à partir de deux mondes ancrés dans la même réalité, les auteurs parviennent à des conclusions différentes. Chez Verga, la voix cassée signe la déchéance sociale d'un groupe particulier, ce qui prouve à quel point la parole, le langage sont une spécificité de l'être humain. Chez Pirandello, c'est l'étrange qui fait irruption dans la réalité, et cela révèle la fragilité de l'homme dans le monde. Deux genres différents : la nouvelle et le théâtre La Réponse et Six Personnages en quête d'auteur, Pirandello L'analyse comparative de la pièce et de la nouvelle fait apparaître de toute évidence deux formes différentes. [...]
[...] De manière générale, tout ce qui est humain dans cette nouvelle est connoté négativement. Au début, il y a du merveilleux, mais le désenchantement gagne au fur et à mesure qu'on revient à la vie sociale. Pour Pirandello, l'humour des écrivains repose sur une dialectique entre acmés et contrastes. La réflexivité se voit à travers plusieurs indices syntaxiques. Ainsi le miroir signifie-t-il le dédoublement du narrateur. La mouche apparaît de manière incongrue. Enfin, l'épingle représente la manière dont l'humour vient dégonfler le comique par l'apport de la réflexion. [...]
[...] Le vérisme Giovanni Verga est le grand représentant du vérisme. Cette notion apparaît en même temps que le naturalisme en France, mais le vérisme est moins tourné vers la science, et plus vers l'humain. Pirandello a des traits véristes aussi, mais on constate plutôt une distorsion du vérisme chez lui, car dans les deux nouvelles, le rôle du narrateur produit un effet différent. Les nouvelles de Verga et Pirandello mettent en scène un rapport différent par rapport à la réalité. [...]
[...] On commence sur le prosaïsme le plus complet pour en venir au lyrisme. On peut se demander quel intérêt le narrateur trouve à focaliser son point de vue dans celui d'un idiot. Cela peut être pour la vision naïve qu'apporte l'idiot, une vision plus primitive. Mais surtout, son esprit ne procédant pas par liens de causalité, c'est le meilleur moyen pour le narrateur de représenter les mouvements les plus immédiats de la conscience et d'avoir une saisie immédiate du monde par la perception. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture