Si le désir de connaître l'avenir évoque d'emblée des images bien connues, une voyante et sa boule de cristal, une bohémienne sachant lire dans les lignes de la main, cette question s'ancre dans notre vie quotidienne comme enjeu pragmatique. Quotidiennement, en effet, nous sommes portés à nous projeter en avant, à envisager l'avenir comme suite de notre présent et de notre passé : nous formons des projets, nous anticipons les réactions de ceux qui nous entourent, nous savons que quand nous lançons un ballon, il ne va pas rester en l'air mais retomber… Sans cesse, dès que nous vivons dans le monde, nous nous fions, en quelque sorte, à une certaine connaissance de l'avenir. De même, la physique moderne se base sur l'étude de lois nécessaires régulant la nature et permettant de comprendre la diversité des phénomènes en les ramenant à un certains nombres de lois constantes. Face au monde, nous nous comportons donc comme un bon joueur d'échec : il connaît la position de tous les pions sur le plateau, les règles du jeu et un grand nombre de parties d'échecs déjà réalisées. Il est donc capable d'anticiper les coups de son partenaire de jeu. De même, la physique moderne mais aussi n'importe quel homme, à sa mesure, raisonne sur un monde déterminé par des lois nécessaires et constantes. De plus, pour qu'il puisse y avoir une connaissance scientifique de la nature, il faut poser que tout phénomène est explicable, c'est-à-dire que même si ici et maintenant on ne le comprend pas, il sera possible un jour de le comprendre. Ainsi, tout phénomène qui nous semble irrégulier ou changeant n'est pas envisagé comme une exception aux lois de la nature. Pour le comprendre, il faut prendre en compte de nouveaux paramètres ou prendre connaissance de nouvelles lois ; « Chaque diversité est uniformité, chaque changement est constance » (Montesquieu, De l'esprit des lois). Dans un monde déterministe, c'est-à-dire dans un monde où les mêmes causes entraînent les mêmes effets, il semble que nous puissions connaître l'avenir. La question de savoir si nous pouvons connaître l'avenir est donc loin d'être une simple boutade ; au contraire, elle s'insère au cœur de notre vie quotidienne comme au cœur de la connaissance scientifique des phénomènes. Le désir de connaître l'avenir ne relèverait donc pas seulement du domaine de la divination ou de la prophétie mais avant tout du domaine de la science et de l'appréhension pragmatique du monde. Cependant, si l'avenir est entièrement contenu en germe dans le passé et dans le présent, que faire du temps, à quoi sert-il, que faire de la liberté, de la création, de la surprise ? La prétention scientifique et pragmatique à connaître l'avenir ne réduirait-elle pas le champ de la liberté humaine ?
[...] Le contingent et le nécessaire, le certain et l'incertain, ne s'opposent donc plus radicalement puisque les probabilités permettent de tenir un discours vrai sur le contingent : il s'agit au départ de calculer quelle chance tel événement a de se produire. Par exemple, je lance un dé ; quelle chance ai-je d'obtenir tel ou tel chiffre ? Puisque chacune des six faces du dé porte un numéro différent, il nous est impossible de prévoir quel numéro apparaîtra sur la face supérieure du dé lorsqu'il se sera immobilisé : nous sommes incapables de prévoir le mouvement exact du dé. Et si nous recommençons cette expérience, dans des conditions apparemment identiques, nous constaterons chaque fois que les numéros apparaissent au hasard. [...]
[...] Peut-on connaître l'avenir ? Si le désir de connaître l'avenir évoque d'emblée des images bien connues, une voyante et sa boule de cristal, une bohémienne sachant lire dans les lignes de la main, cette question s'ancre dans notre vie quotidienne comme enjeu pragmatique. Quotidiennement, en effet, nous sommes portés à nous projeter en avant, à envisager l'avenir comme suite de notre présent et de notre passé : nous formons des projets, nous anticipons les réactions de ceux qui nous entourent, nous savons que quand nous lançons un ballon, il ne va pas rester en l'air mais retomber Sans cesse, dès que nous vivons dans le monde, nous nous fions, en quelque sorte, à une certaine connaissance de l'avenir. [...]
[...] De cette manière, il est possible de connaître les lois auxquelles obéira l'avenir puisque ce sont les mêmes que celles grâce auxquelles nous connaissons le présent et le passé. Ainsi, la diversité de l'avenir se trouve déjà réduite à des lois nécessaires et constantes puisqu'il est envisagé comme la suite logique et nécessaire du présent. Par conséquent, le principe de causalité, en tant que loi découverte à un moment donné de la science, s'étend aussi bien au présent qu'au passé et à l'avenir ; ce dernier se trouve donc inséré dans une chaîne causale. [...]
[...] Il ne s'agit donc pas de renoncer à cette logique qui garde une utilité pragmatique, mais de la dépasser. En effet, en examinant la conception mathématique du monde, il apparaît que le temps ne sert à rien puisqu'il ne fait rien. Or, si le temps est quelque chose, c'est qu'il fait quelque chose. Pour comprendre cette action efficace du temps dans le monde, il faut aller à l'inverse de la structure de notre intelligence qui tend sans cesse à masquer la durée de façon à élaborer des structures stables pour pouvoir comprendre et raisonner. [...]
[...] La nécessité de supprimer le vivant pour pouvoir comprendre mathématiquement le monde découle directement d'une incapacité à réduire le vivant à des lois constantes et nécessaires. Le vivant y échappe par son génie de l'équivoque (pour reprendre l'expression de M. Merleau-Ponty). Il est possible d'illustrer cette capacité propre au vivant à travers les échecs résultant des tentatives d'expérimentation sur le vivant : la généralisation est toujours fragile et contestable. En effet, ce qui vaut pour tel individu ne vaut pas forcément pour un autre. Les faits ne peuvent pas être épurés comme en physique. Un individu n'est pas interchangeable avec un autre individu (leurs A.D.N. [...]
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