Les Enfantômes, Réjean Ducharme, Le Torrent, Anne Hébert, relation mère-enfant, thème, sentiments, émotions, relations, oeuvre, auteur, littérature, valeurs traditionnelles, figure maternelle, représentations littéraires, extrait, récit
Si le thème de la relation mère-enfant a longtemps été absent de la littérature québécoise, davantage portée à l'idéalisation des valeurs traditionnelles, l'avènement d'une littérature sociale d'après-guerre offrant une approche plus grave de problématiques plus personnelles, introspectives et morales a bouleversé les représentations littéraires. Cette prise de conscience les fit soudain basculer dans la Grande Noirceur. La poétesse et dramaturge Anne Hébert, publie ainsi, en 1950, la nouvelle Le Torrent, en pleine période Duplessiste. Elle met en exergue avec brio le strict respect des dogmes et de la discipline, celle des traditions morales au sein de relations familiales kafkaïennes, entravées et suffocantes. À l'inverse, le poète et romancier, Réjean Ducharme propose dans Les Enfantômes, publié en 1976, une vision originale du lien mère-enfant inspirée d'une contre-culture créatrice et libérée. Dès lors, les deux extraits offrent un éclairage intéressant de la thématique mère-enfant, développant plusieurs ressemblances à la fois dans le traitement et l'exploration littéraire proposée, mais aussi et surtout plusieurs points de divergences, les amenant à lire comme des sujets construits sur deux visages et descriptions opposées de la mère, laissant, pour finir, des traces indélébiles pourtant différentes.
[...] Peut-on affirmer que le thème de la relation mère-enfant est développé de façon semblable dans Les Enfantômes de Réjean Ducharme et dans Le Torrent d'Anne Hébert ? Si le thème de la relation mère-enfant a longtemps été absent de la littérature québécoise, davantage portée à l'idéalisation des valeurs traditionnelles, l'avènement d'une littérature sociale d'après-guerre offrant une approche plus grave de problématiques plus personnelles, introspectives et morales a bouleversé les représentations littéraires. Cette prise de conscience les fit soudain basculer dans la Grande Noirceur. [...]
[...] Il admet enfin que lui et sa sœur se sont « figés » et sont « restés petits », « toute glande en panne » quand ils se « sont vus debout dans le sang de» leur mère. Appuyé par une vision d'enfant se voyant «partir avec elle comme dans un avion», le narrateur dit tout de son inextricable lien et douleur maternels. Cette résultante tragique complexe permet un éclairage intéressant sur la portée « lourde », « ce poids » à « l'endroit du cœur » rendant ainsi, mieux que toute autre figure, l'importance déterminante du rôle de la mère, mais surtout de sa perception dans la construction identitaire de l'enfant. [...]
[...] Nous l'avons vu, les deux perceptions maternelles ici sont à la fois très fortes, émotionnelles et ancrées dans des souvenirs individuels marquants. Néanmoins, les portraits offrent des visions différentes de deux mères aux caractères et aux rôles différents. Les deux portraits correspondent à des émotions et sentiments fort différents car si François donne de la sienne des éléments morcelés tels ses « puissantes mâchoires » ou ses « lèvres minces », complétant sa perception d'une figure de comparaison faisant ressembler la bouche de sa mère à «un verrou tiré de l'intérieur», et d'une figure d'accumulation sur les mots « châtiment », « justice de Dieu », « enfer », « discipline » invitant le lecteur à souffrir comme lui les remontrances et leçons de morales maternelles, le portrait de Man Falardeau renvoie à un sentiment, quasiment opposé. [...]
[...] On ne peut donc pas affirmer que le thème de la relation mère-enfant soit développé de la même façon dans ces deux extraits. En effet, si les deux portraits offrent deux images maternelles fortes, singulières et sensibles, elles n'en demeurent pas moins différentes, voire diamétralement opposées dans leurs modes d'expression, manifestations et plus encore dans leurs conséquences traumatiques. Cependant, bien que séparés par deux décennies d'influences littéraires et sociétales différentes voire contraires, elles disent toutes deux beaucoup du trouble et du lien fondamental et ineffable de la mère à l'enfant, fixés dans une thématique universelle, celle de l'identité et de sa construction. [...]
[...] De même, les récits empruntent des styles d'expression très différents pour dire leur condition et leur sentiment : l'un utilise le registre de la tragédie par des figures littéraires recherchées « j'étais un enfant dépossédé du monde » là où l'autre emploie des phrases simples, incisives et directes permettant une immersion au plus près des sentiments éprouvés, « pas de père. On ne savait pas ce que c'était». Si les deux récits procurent deux visions différentes du lien à la mère, ils établissent aussi des conséquences et vérités physiques comme psychologiques diamétralement opposées. [...]
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