Petit Pays, Gaël Faye, roman, génocide au Rwanda, Burundi, enfance, grandes puissances, travail de mémoire
« Nous ne vivons pas seulement à notre époque. Nous portons toute notre histoire avec nous », écrit Jostein Gaarder dans Le Monde de Sophie. Cette citation s'applique parfaitement à l'analyse du roman Petit Pays de Gaël Faye puisqu'elle combine deux constats : le premier étant que l'Histoire est nécessairement liée aux destins d'individus et le second, que chaque individu porte son passé et tout ce qu'il implique avec lui, tout en devant vivre dans le présent. Petit Pays est un roman écrit par l'auteur, compositeur et rappeur franco-rwandais Gaël Faye, qu'il publie en 2016. L'oeuvre de fiction relate l'enfance de Gabriel au Burundi, de son point de vue d'adulte, des années plus tard, alors qu'il vit en France.
[...] Raconter et romancer son vécu, pour soi . Nous avons précédemment amorcé la discussion autour de ce roman ni si fictif ni si autobiographique. Revenons maintenant sur la définition même de l'autobiographie selon le site du CNRTL : « relation écrite de sa propre vie dans ce qu'elle a de plus personnel ». De notre côté, Gaël Faye romance, c'est-à-dire qu'il modifie certains souvenirs, certaines personnes, mélange son histoire avec des témoignages d'autres personnes, modifient le destin du héros pour ne pas écrire le sien . [...]
[...] En 1959, une révolution Hutu éclate même au Burundi après le massacre du Rwanda qui galvanise certainement les expatriés hutu du Burundi. En 1963 et 1964, le pays assiste donc à une arrivée massive de Rwandais tutsi qui tentent d'échapper à la mort, mais malgré cela, une partie de la population Burundaise devient méfiante envers ce clan, alors que jamais ne s'était posée la question de l'identité clanique hutu ou tutsi sur le territoire. S'en suivent de nouveaux massacres, cette fois perpétrés sur le sol Burundais. [...]
[...] L'enfance est une période de la vie dont nous sommes tous plus ou moins nostalgiques ou en tout cas c'est une époque naïve, faite d'illusions et de rêves dont on se souvient à différents niveaux. C'est avant tout une période universelle, que tout le monde a vécu et à laquelle tout le monde peut s'identifier. En outre, faire entrer le lecteur dans son roman à l'aide d'un discours sur l'enfance sollicite l'empathie et l'émotion dès le départ. Le lecteur va être amené à avoir plus de compassion pour le jeune Gabriel raconté par son alter ego adulte - qui n'a d'ailleurs pas tout à fait rompu avec son enfance, qui cherche peut-être même à en faire le deuil. [...]
[...] C'est aussi avant tout un récit alternatif, qui apporte du nouveau vis-à-vis du point de vue de l'Histoire (avec un grand « officielle », finalement un récit elle aussi, mais élevée au rang de récit majoritaire pour une nation. Les défauts de cette Histoire souvent unique est qu'elle prend justement le risque d'écraser les autres récits et les points de vue différents du sien. En plus d'étouffer la pluralité des voix, elle est souvent apersonnelle, plutôt aseptisée puisque se voulant «neutre » et elle est donc excluante. L'analyse de Petit Pays nous a montré, au contraire, le récit d'un destin d'enfant qui aurait pu et un peu autrement, existé. [...]
[...] Le narrateur l'exprime clairement et annonce au lecteur dès les premières pages que son récit ne sera pas celui d'une enfance paisible, ou pas seulement. Il semblerait que tout bon souvenir soit teinté d'un mauvais, ou d'une certaine amertume. Pour accentuer ces passages, l'auteur utilise bien sûr le fond mais aussi la forme, avec par exemple des phrases très courtes qui se suivent, hâchées, afin d'insister sur l'importance, la solennité ou la violence de ce qu'il raconte : Moi qui souhaitait rester neutre, je n'ai pas pu. [...]
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