« Fais énergiquement ta longue et lourde tâche », Vigny, “La Mort du Loup”.
Les personnages de La Peste de Camus vous paraissent-ils répondre à cette morale du stoïcisme ?
[...] Quand certains se montrent moraux et engagés, d'autres sont amoraux ou indifférents. En effet, si les médecins présentés dans le roman, à commencer par le Docteur Rieux, humaniste et brave, obstiné autant que rigoureux, prennent avec sérieux, mesure et gravité l'événement, d'autres, au contraire, en tirent profit, à l'image de ce Joseph Cottard, personnage médiocre, décrit comme « moyen , voire grossier, aux nerfs fragiles et à l'énervement facile. D'autres plus humbles, comme Joseph Le Grand, modeste employé de mairie, révèlent, au contraire, leur bonté de cœur. [...]
[...] Dès lors, on comprend que beaucoup des valeurs de Camus sont transmises dans les attitudes ou vertus de ses personnages. Beaucoup entrent en résistance et l'on sait qu'il fut, par exemple, lui même un résistant acharné durant la seconde guerre mondiale. L'étude de ces personnages oriente donc le roman vers un parti-pris symbolique qu'il est opportun de saisir, dans toutes ses dimensions, à l'ombre d'une période marquante. La Peste apparaît ainsi, à de nombreux égards, remplie de références à la période précédente. Oran est une « ville fermée » qui présente toutes les caractéristiques d'un état de guerre. [...]
[...] S'il est un idéal modeste, il reste également une voie sûre menant à l'accomplissement personnel. Les érudits, juge, médecin, journaliste, prennent le pas, dans le roman, par leurs décisions ou leurs actions sur l'histoire. Cette sagesse, qu'il s'agisse de la tranquillité d'une vie humble ou d'un choix de vie assumé « jusqu'au bout » sont bien les racines de la morale stoïcienne. Notons cependant que la sagesse comme voie du Bonheur n'est pas le seul moyen proposé par les personnages de ce roman. [...]
[...] Celle qu'offre le roman est directement issue de la morale stoïcienne. Suivant les conseils d'Épictète, les personnages qui vont au bout de l'expérience sont ceux qui agissent sur ce qu'ils peuvent modifier et s'accommodent humblement de ce qu'ils ne peuvent changer. Ainsi, l'analyse de ce roman se développe autour de nombreux paradoxes : à la fois imaginaire et réaliste, chimérique et engagé, il livre non seulement une lecture critique de l'époque vécue mais également des clés de compréhension pour une meilleure présence au monde, ce qui est rare. [...]
[...] L'action repose donc uniquement sur l'initiative de quelques individus. Mais le doute se lie à un autre niveau puisque partout s'exprime la recherche éperdue de sens et le sentiment d'absurde: dans le regard du juge littéralement « indifférent » au malheur de ses contemporains. Si l'on observe le sort réservé aux différents personnages, on se rend compte que ceux qui meurent sont ceux qui avaient des idées trop arrêtées ou qui se complaisaient dans la passivité : Paneloux qui croit en « une punition du Ciel » et ne s'en remet qu'à la grâce de Dieu ou Tarrou à qui il manque la force nécessaire et la foi en l'être humain, pour s'en sortir. [...]
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