Commentez et discutez ce propos que Pirandello fait dire à l'un de ses personnages dans Six personnages en quête d'auteur en vous référant aux œuvres théâtrales que vous connaissez. Etre quelqu'un, c'est être une individualité originale, particulière, qui s'affirme par opposition vis-à-vis des autres. En ce sens, quel degré d'existence la littérature offre-t-elle à un personnage ? Le personnage comme figure fictive et limitée, conçue par l'auteur, n'en est-il que la seule réalité, ou faut-il voir dans le personnage une dimension plus originale, une entité à part entière ? Comment pourrait-on alors expliquer ce gain d'individualité et d'indépendance ?
[...] La dépendance du personnage vis-à-vis de son auteur est ici évidente : sans lui, il n'est qu'une potentialité, mais qui ne peut pas s'exprimer. Transition Dans son acceptation la plus stricte, celle d'une figure fictionnée pour les besoins du théâtre, le personnage n'atteint donc que le plus bas degré de l'existence, celui que Platon déjà conférait à l'art : le statut d'être une copie de copie Toutefois, on ne peut pas ne pas considérer l'entité personnage. Cette créature originale, si elle parvient à s'instituer comme une individualité, n'accède-t-elle pas à une toute autre réalité ? [...]
[...] De même, nombre de personnages de Molière sont devenus tellement emblématiques d'un caractère que leur nom est entré dans la langue française : on dira d'un vieil avare que c'est un harpagon, ou d'un inlassable séducteur qu'il est un don Juan. Transition Un personnage est donc toujours quelqu'un en ce sens que la scène lui permet de s'affirmer comme un être original, qu'il y manifeste ses traits fondamentaux et immuables, s'affranchissant de son auteur en s'inscrivant dans la réalité du monde. [...]
[...] Ainsi, je peux moi-même faire revivre à l'infini des personnages existants. C'est aussi ce qu'ont fait les auteurs classiques en réécrivant une histoire aux personnages antiques. Chez Racine, Iphigénie n'est plus sauvée du sacrifice par la pitié d'Artémis mais par l'existence d'une deuxième Iphigénie, Eriphile. En outre, le personnage peut même devenir une référence ou un modèle pour les hommes. Il s'émancipe alors complètement de son auteur, et entre dans la pensée commune des hommes, s'institue en une sorte d'archétype imaginaire. [...]
[...] Un personnage est une figure fictive Une fiction flagrante Le mot personnage vient du latin persona, dérivé de l'étrusque, signifiant masque de théâtre. Le personnage ne serait donc qu'un masque, une figure incarnée par un acteur. Le verbe incarner porte ici tout son sens : issu du latin in-carnare qui est dans la chair incarner c'est donc représenter quelque chose d'abstrait sous une forme sensible. Ainsi, l'acteur et sa matérialité représentent le personnage et son abstraction. Le personnage n'est donc qu'une représentation, une fiction, qui nécessite la médiation d'êtres réels, les acteurs. Cette représentation est une re-présentation de la réalité. [...]
[...] Si l'écrivain s'attache à représenter ce qu'il a en lui-même, il peut atteindre une certaine forme de vérité. Il faut avant tout que l'œuvre soit en cohérence avec elle-même, conforme à sa propre logique. L'œuvre est un organisme. C'est en cela qu'une œuvre est vraie. Cette vérité est, bien entendu, subjective. Une subjectivité, si totale, si profonde, qu'elle finit par rejoindre l'objectivité : l'artiste doit être objectif ou vrai dans sa subjectivité Ainsi, l'auteur parvient à créer des œuvres originales. [...]
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