Dorian Gray, ce nom a une signification pour quiconque s'intéresse à la littérature. Mêlant à la fois la lumière (Dorian) et l'ombre (Gray), il est le fruit de l'imagination d'Oscar Wilde mais n'a cessé d'inspirer auteurs et critiques depuis plus d'un siècle. Ce personnage semble rayonner avant même d'arriver sur le devant de la scène ; son nom, Dorian Gray, allie l'or et les ténèbres, la pureté de l'innocence et la future noirceur de son âme. L'ambiguïté de ce nom en fait un personnage mystérieux qui se caractérise dans le roman par ses tentatives vaines de trouver un équilibre à sa vie.
C'est à l'ombre que nous nous intéresserons ici : non pas celle qui constitue une partie du personnage de Dorian mais celle qui entoure son mentor, Lord Henry Wotton. Cet homme marche aux côtés de Dorian dans le roman de Wilde. A première vue, Lord Henry semble être un personnage secondaire, d'une part à cause du titre de l'ouvrage, le personnage éponyme étant censé être le personnage principal, d'autre part parce qu'il ne « brille » pas comme Dorian. On pourrait ainsi croire qu'il sert de faire-valoir à Dorian et de simple déclencheur de l'action. Pourtant, Mathieu Terence lui consacre un ouvrage, Journal d'un cœur sec. Ce « journal » développe la personnalité de Lord Henry, jusque-là ébauchée, et donne une nouvelle dimension au personnage.
Le personnage ne peut que susciter l'intérêt du lecteur dans les deux œuvres car il représente le côté mystérieux de Dorian, le côté ténébreux et insondable du jeune homme rayonnant de vie. En effet, il influence la vie des autres mais ne semble pas remettre en question sa vie et ses convictions. Henry Wotton donne trois impulsions qui conditionnent la chute de Dorian :
Lord Henry se manifeste à trois reprises, et à des moments fondamentaux, lorsqu'il révèle à Dorian, dans le jardin de Basil, que l'âge est l'ennemi de la beauté, lorsque, après le suicide de Sibyl, il encourage l'égotisme de Dorian, et quand il convainc le jeune homme, ébranlé par le souvenir du crime, de la vanité du repentir.
[...] Pour tenter de définir l'identité de Lord Henry, il nous faut étudier le personnage tel qu'il apparaît : un dandy, un tentateur et un pseudo scientifique. Puis nous concentrerons notre attention sur l'influence que Henry exerce sur son jeune disciple et la naissance de la relation ambiguë qui les unit. Enfin, nous aborderons les thèmes du miroir et de la relation narcissique qui permettent à Henry de se donner l'illusion d'une identité propre mais le poussent à réitérer ses erreurs passées. [...]
[...] C'est Dorian qui se perd dans la lecture du livre jaune qui semble avoir eu un impact beaucoup moins fort sur Henry. Dorian, lui, considère ce livre comme le récit de sa vie : Des choses dont il avait rêvé confusément devenaient subitement réelles pour lui. Des choses dont il n'avait jamais rêvé lui étaient graduellement révélées. [ ] C'étaient un livre vénéneux.»[42] Il ajoute : Le héros [ ] devint à ses yeux une sorte de préfiguration de lui-même. [...]
[...] Il est de caractère froid, inébranlable, et habité par le même esprit sec dans les pages finales qu'à l'ouverture du roman. Son esprit borné ne lui permet pas de percevoir les changements qui s'opèrent, en partie par sa faute, dans le monde qui l'entoure : - Si jamais je commettais un crime, je viendrais vous l'avouer. Vous me comprendriez. - Les êtres tels que vous ces rayons de soleil obstinés de la vie ne commettent pas de crime, Dorian.[29] Puis Dorian se confesse à demi-mot, mais en vain, après avoir tué Basil.[30] Puisqu'il ne change pas, contrairement à Dorian et Basil, sa philosophie semble amusante et séduisante dans la première moitié du livre mais devient improbable et étroite dans la seconde partie. [...]
[...] Il est l'image de Dorian en négatif, son double et pourtant son opposé : il provoque la vie au lieu de la vivre. Henry ne veut devenir un Pygmalion que pour étudier de manière assez voyeuriste l'évolution qui aurait pu être la sienne s'il avait osé vivre : On pouvait en faire un Titan, ou bien un jouet. [ ] Oui, il allait tenter d'être pour Dorian Gray ce que, sans le savoir, le jeune homme était pour le peintre qui avait réalisé ce merveilleux portrait. [...]
[...] Comme vous me connaissez bien ! (p.448.) Cf. Mathieu TERENCE, op.cit., p : Tu relèves de Pygmalion et de saint Bernard mais à te fréquenter on finit par soupçonner Bram Stoker de s'être inspiré de toi pour créer son Dracula. Tu te refais une virginité en buvant jusqu'à la lie la fraîche innocence de quelque jeunesse. Dorian Gray fut le plus bel exemple des victimes de ta tyrannie mâtinée de dévouement. Voir plus haut dans le devoir : p Mathieu TERENCE, op.cit., p.35. [...]
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