Le personnage de la femme artiste chez Nancy Huston. « Le corps et l’esprit dans La Virevolte »

Résumé du document

En 1994, Nancy Huston, écrivain francophone d'origine canadienne, écrit La Virevolte. Le récit met en scène l'histoire de Lin Lhamond, passionnée de danse, qui décide un jour de vivre pleinement sa passion au dépend de son entourage. Le thème de la femme artiste est récurrent dans l'œuvre de Nancy Huston car Prodige, publié en 1999, raconte également l'histoire d'une femme, voire de plusieurs femmes talentueuse(s). L'éveil d'un don artistique chez une femme n'est pas chose facile lorsqu'elle doit tenir compte de son rôle de mère et d'épouse. Cela pousse le lecteur à s'interroger sur la question du rapport entre la femme et les arts, comment les personnages féminins de Nancy Huston parviennent-ils à s'épanouir dans leur art ? De quelle manière l'écrivain fait-elle jaillir le talent de ses personnages ? Le devoir se compose de trois parties, développant successivement le cas de Lin Lhamond, puis le paradoxe apparent entre l'esprit et le corps, et enfin, l'épanouissement de la femme artiste dans l'œuvre de Nancy Huston.

Extraits

[...] C'est pourquoi le départ soudain de la mère est un choc pour les enfants qui ont perdu ce contact si important. Par conséquent, le talent des femmes artistiques se développe souvent dans un contexte de souffrance, d'absence, de séparation : Ce sera sa chorégraphie la plus forte jusqu'ici, elle en est sûre mais elle a besoin de partir si loin, si loin Voilà la naissance, oui : la seule façon de ne pas perdre ce miracle d'être en vie, c'est de montrer, montrer, remontrer sa perte (p201). [...]

[...] Ce coup fil est un contact avec le monde extérieur à la danse, le monde réel, et dont la danseuse a besoin de se détacher pour rentrer dans la peau du personnage qu'elle doit interpréter sur scène : Il faut que, dans le corps, elle ait énormément d'espace des étendues infinies afin d'affronter l'espace extérieur, la scène et maintenant il y a cette voix, telle un main ( pour l'empêcher de gravir les quatre marches jusqu'au plateau (p104). L'exigence demandée en danse est tellement élevée que rien ne doit déranger le danseur. C'est pourquoi le choix de Lin de s'adonner à la Danse et donc d'abandonner sa famille a eu des conséquences sur ses relations. La rupture entre Lin et Derek a eu un impact physique et psychologique : Le pire, pour Derek, c'est le corps. Il est incapable de regarder sa propre chair. (p153). [...]

[...] Qui donne la vie, donne la mort La question de la femme artiste dans l'œuvre globale de Nancy Huston est très présente dans La Virevolte, mais aussi Prodige. La revendication de la féminité et des droits des femmes est un intérêt pour l'écrivain depuis plusieurs années. Etant elle-même épouse, mère, fille de, mais également canadienne et française, elle a la capacité d'avoir plusieurs facettes et la possibilité de présenter différents types de personnalités. Nancy Huston est une femme qui a vécu de nombreuses situations, bonnes ou mauvaises, heureuses ou non, dans plusieurs pays tels que le Canada, les Etats-Unis, l'Allemagne, la France. [...]

[...] La mise en scène du personnage de Lin peut être une manière de comprendre les raisons du départ de Mary-Louise, la mère biologique de Nancy Huston, mais aussi de le justifier, car l'écriture du roman rend compte de la culpabilité de la mère. Par conséquent, le lecteur ne peut pas accuser totalement la mère d'être indigne ou égoïste, car il connaît ses souffrances. La Virevolte ne donne pas un point de vue à sens unique et ne prend pas parti pour Derek ou Lin, le récit fait part de la complexité des sentiments et comportements humains avec simplicité et authenticité. [...]

[...] Elle peint des personnages plutôt faibles et imparfaits, mais touchants et charismatiques. Elle ne cherche pas à donner une image idéalisée d'une mère et épouse dans La Virevolte, car même si Lin Lhamond semble être égoïste, volage et irresponsable, elle représente un modèle de femme entreprenante, libre et courageuse, et surtout vraisemblable. De ce fait, le récit est assez atypique, ce n'est pas l'histoire d'une femme esseulée et abandonnée, ici, c'est Derek qui est une sorte de victime dans le rôle du mari délaissé qui s'apitoie sur son sort. [...]