Dans le Premier homme d'Albert Camus, le personnage de l'oncle malentendant, Ernest, paraît très différent des autres ; ce serait même paradoxalement le plus bavard. En effet, Ernest refuse l'exclusion et compense sa surdité en employant tous les moyens qu'il a en son pouvoir pour communiquer : cris, onomatopées, mimiques…qui en disent souvent bien plus long que quelques phrases. La parole est chez lui additive (« bon, bon »), complétive («chez docteur, chez docteur »), ou encore instructive, quand il n'a pas les moyens de mimer ce qu'il veut dire (« Pierrot son frère la prison »), mais elle n'est pas sa langue, et ne sera jamais usuelle. Parler est pour lui un langage étranger auquel il est pourtant initié, et qu'il n'emprunte que par nécessité, quand son langage propre n'a pas les moyens d'exprimer ce qu'il veut signifier. Dans cette perspective, nous pouvons comprendre pourquoi l'oncle Ernest est aussi théâtral : c'est qu'à l'instar des entendants qui utilisent la gestuelle quand ils sont en manque de mots, ou pour appuyer leur discours, Ernest se sert des mots quand il est en manque de gestes. Il est important de bien garder à l'esprit cette différence pour comprendre que l'oncle est une alternative à la morosité et au sérieux si présent dans le monde des adultes du premier homme.
[...] Ce caractère d'une oralité active est un élan vital retourné contre l'inexistence : la représentation de la pulsion de vie chez l'oncle. On voit cependant que son rapport à l'individu est distancié malgré cette pulsion, car l'oncle n'emploie pas de pronom sujet. Celui qu'il appelle lui ce n'est que l'Autre, l'individu différent de soi, et pas son prochain qui lui possède un prénom Daniel On a l'impression que cette pulsion de vie lutte dans ce cadre contre la déshumanisation du personnage, se fait violence à elle même pour refuser ce statut de non-individu. [...]
[...] Eliminons le vocabulaire du journal, qui ne nous donnerait que de simples informations à caractère historique. Le vocabulaire du quotidien montre, lui, ce qui touche Ernest dans son essence. Ainsi, on retrouvera souvent les adjectifs bon, bon exprimant la notion d'agréable et de désagréable, mais aussi de bien et de mal. Sa parole tourne aussi autour de la nourriture, et les formes sont vaguement représentées par des point boule caractéristiques de sa maladie, mais rapportable aussi à son métier de tonnelier, puisqu'il crée des ronds, des cylindres à partir du bois. [...]
[...] C'est la figure masculine qu'il peut rencontrer chez lui, mais aussi la représentation de la vie. Sa fonction serait de marquer une opposition avec la mère dont l'auteur parle juste avant, moins mêlée à la vie qu'Ernest, et fragile alors que lui est fort et de montrer une attitude opposée face à la surdité, mais aussi à contraster par rapport au père éternellement silencieux alors que lui communique autant qu'il peut. On peut le voir aussi comme le double de l'enfant, qui lui, malgré son âge, n'aurait pas grandi. [...]
[...] Pour résumer, on observe donc un grand élan vital d'Ernest qui le pousse à aller vers les autres et à communiquer : sa pulsion de vie. Sa lacune auditive est compensée par une grande sensibilité des autres sens, qui lui permettent une communication au monde autre que par les sons. Il vit donc dans un monde de sensations dont il se servira dans son rapport aux autres pour communiquer visuellement (hypermimie, mime, bruitages), toujours en exagérant les actes pour montrer que c'est sur ceux-là qu'il veut porter son attention, d'où un aspect cérémoniel de ses actions. [...]
[...] Le personnage d'Ernest dans le Premier Homme de Camus : moyens d'expression et analyse Ses moyens d'expression au fil du texte Analyse Moyens d'expression Analyse Dans notre livre, le personnage de l'oncle malentendant paraît très différent des autres ; ce serait même paradoxalement le plus bavard. En effet, Ernest refuse l'exclusion et compense sa surdité en employant tous les moyens qu'il a en son pouvoir pour communiquer : cris, onomatopées, mimiques qui en disent souvent bien plus long que quelques phrases. [...]
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