Signalons tout d'abord que le personnage d'Edouard n'est pas du tout présent dans le premier acte de la pièce. Il fait seulement son apparition au début de l'acte II à l'arrivée de Bérenger dans son appartement. Il apparaît d'emblée comme un personnage physiquement très affaibli, symbole du mal-être. En effet, les didascalies sont claires et précises quant à la description du personnage : « mince, très pâle, l'air fiévreux » ; « Edouard toussotera de temps à autre ; il crachera dans un grand mouchoir blanc ». Ce corps malade est donc immédiatement mis en évidence et doit retenir notre attention. Edouard est un homme qui souffre, replié sur lui-même. Sa position dans l'espace scénique est caractéristique de ce repliement, il est dans un coin : « On aperçoit, dans son coin, chapeau sur la tête, vêtu de son pardessus, sa serviette à ses pieds, Edouard qui toussote. » C'est comme si le personnage était déjà à l'écart du monde, à peine visible. Il se tient les membres recroquevillés, comme un enfant apeuré. D'ailleurs on apprendra par la suite qu'il a une voix « presque enfantine ». A première vue, il apparaît comme un personnage extrêmement fragile et terrifié par le monde qui l'entoure. Son corps même semble difforme puisqu'il a une main plus courte que l'autre. Atteint d'une tuberculose, il ne cesse de tousser et cracher, proche de l'agonie : « Edouard se met à tousser violemment. Il crache dans son mouchoir. ». Ajoutons qu'il tremble et frissonne constamment, il semble à peine vivre. Son langage est aussi représentatif de ce mal-vivre. Il se répète à plusieurs reprises et ses répliques sont souvent brèves par rapport à celles de Bérenger. Dans une certaine mesure, cela pourrait nous faire penser au duo Hamm/Clov dans Fin de partie de Beckett, où Hamm est l'orateur et Clov ne fait que lui répondre par des répliques courtes. C'est un peu le même cas dans Tueur sans gages puisque le langage d'Edouard est très sobre et reprend souvent les mots de Bérenger. Il répètera ainsi sous différentes formes qu'il a froid : « j'ai froid » ; « je suis tout transi » ; « je gèle chez vous ». Il y a presque une gradation dans sa souffrance, comme s'il atteignait les limites de ses forces. Sa vie ne semble tenir qu'à un fil et on a l'impression qu'à tout moment le personnage peut disparaître. Edouard est un homme de verre, mais ce mal-vivre physique découle d'un mal-vivre moral.
[...] Le personnage d'Edouard nous tient donc en haleine car il nous rend pleinement actifs dans la pièce. Nous devenons nous-mêmes des enquêteurs, au même titre que Bérenger. Edouard, grâce aux énigmes qu'il laisse sur sa route, nous fait pénétrer dans l'action et nous rend malgré lui complices de certaines de ses actions. Ainsi, lorsqu'il est atteint de sa quinte de toux et que Bérenger va lui chercher un verre d'eau, nous sommes les seuls à voir ce qu'il fait : Pendant ce temps, Edouard se soulève sur un coude, s'arrête de tousser, contrôle d'une main inquiète, la fermeture de son énorme serviette noire, puis un peu tranquillisé, s'allonge, de nouveau, toujours toussant, mais moins fort. [...]
[...] Il fait presque basculer la pièce d'un genre à l'autre. En effet, l'acte I est marqué par le lyrisme et l'idéalisme de Bérenger, tandis que l'acte II nous plonge plutôt dans le genre policier. Le suspense provient évidemment de cet aspect énigmatique du personnage que nous avons vu précédemment. Edouard nous ouvre des portes qu'il ne refermera jamais. Par exemple, comment se fait-il qu'il connaisse l'existence du Tueur alors que personne d'autre que lui, Bérenger et l'Architecte, ne semble être au courant ? [...]
[...] La relation qu'a Edouard avec la mort le rapproche aussi du Tueur. La mort des autres le laisse insensible, pire, il s'en amuse, comme à l'annonce de la mort de Dany : Mes félicitations. Mes condoléances aussi. Son glaçant nous allons tous mourir et sa soumission au discours terroriste de la Mère Pipe prennent alors un autre sens si nous assimilons le personnage à l'homme qui terrasse la population. Même si nous ne voyons jamais le Tueur en action, nous savons comment il procède pour attirer ses victimes, et il apparaît comme quelqu'un de très organisé et méticuleux. [...]
[...] Le personnage d'Edouard dans Tueur sans gages, E. Ionesco Signalons tout d'abord que le personnage d'Edouard n'est pas du tout présent dans le premier acte de la pièce. Il fait seulement son apparition au début de l'acte II à l'arrivée de Bérenger dans son appartement. Il apparaît d'emblée comme un personnage physiquement très affaibli, symbole du mal-être. En effet, les didascalies sont claires et précises quant à la description du personnage : mince, très pâle, l'air fiévreux ; Edouard toussotera de temps à autre ; il crachera dans un grand mouchoir blanc Ce corps malade est donc immédiatement mis en évidence et doit retenir notre attention. [...]
[...] Ainsi, tout au long de la scène de la concierge au début de l'acte, Edouard est déjà là mais on ne le sait pas. Et c'est seulement lorsque la lumière inonde la scène que le spectateur l'aperçoit, en même temps que Bérenger. Nous sommes donc autant surpris que lui de la mystérieuse apparition du personnage. Mais ce mystère ne va cesser de s'amplifier puisque sa présence sur scène ne sera jamais expliquée. Les deux personnages semblent se connaître mais Bérenger ne se rappelle à aucun moment de lui avoir confié ses clefs : Moi je vous ai donné ces clefs ? [...]
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