Dissertation de littérature sur la justification des choix graphiques de Gustave Doré dans le conte La Barbe Bleue de Charles Perrault. Peut-on parler d'illustrateur-traducteur ? Quels sont les partis-pris ? Quelles sont les libertés ?
[...] Plus qu'un simple interprète, un simple traducteur, Gustave Doré dans ses gravures de La Barbe Bleue n'hésite pas à exercer tout son talent pour piéger le lecteur à travers des clins d'œil, un clair-obscur, une construction de l'image oscillant entre sensualité dévorante et théâtralité. En fait, Doré joue sur les nuances pour rendre sa vision de sa Barbe bleue, beaucoup plus suggestive. Tout en finesse, il nous fait redécouvrir un environnement beaucoup plus sensuel et dramatique à la fois, à l'image d'un roman-feuilleton surprenant. [...]
[...] Par ailleurs c'est en 1862, presque deux cents ans plus tard que Gustave Doré, caricaturiste de formation et entres autres illustrateur de L'Enfer de Dante, accepte de dessiner ses gravures pour l'édition Hetzel des Contes : c'est un succès immédiat, presque une redécouverte. Parmi ces contes figure celui de Barbe Bleue, où la curiosité est punie selon la moralité. Malgré une ambiance, une tension tragique qui pourraient être nourrissantes pour l'inspiration, Doré choisit de détailler le conte par seulement quatre gravures. Dans quelle mesure Gustave Doré arrive-t-il à prendre parti en tant qu'interprète et illustrateur dans ses gravures de Barbe Bleue ? [...]
[...] Enfin, Gustave Doré réussit la retranscription du style de Perrault dans ses gravures. En effet, tout ce qui était du domaine stylistique comme la progression de l'intrigue, l'effet de suspens, la dramatisation de l'action crescendo de l'intensité dramatique dans le verbe, les menaces de Barbe bleue et l'anaphore de la chanson de la sœur Anne deviennent des instruments graphiques. Gustave Doré arrive par ses gravures à théâtraliser une action qui l'était déjà par les mots. Dans ses deux premiers dessins, les rideaux rappellent le théâtre, dans le troisième, la fumée, la poussière, et la tension musculaire des chevaux indiquent une montée intensive du drame, qui se concrétise par une véritable mise à mort de Barbe bleue digne d'un Othello ou Roméo et Juliette. [...]
[...] Enfin, Doré est caricaturiste : il accentue les traits de caractère de ses personnages non pas vers le drôle, mais vers une ambiguïté toujours plus latente, et ce surtout dans la première illustration. Alors que la femme est à la fois dominée par le corps, par la barbe, par les yeux exorbités presque dévorateurs de son mari, son corps est déchiré dans une tension mettant en valeur deux niveaux. Son buste, d'une part, et en rejet de son mari, en arrière, mais délicatement tendu. D'autre part, son bassin est lui complètement attiré par cette clé anormalement grosse. [...]
[...] Au premier abord, il apparaît au lecteur que Gustave Doré n'a pas hésité à prendre des licences sur le conte, qui deviennent ainsi des ellipses : en effet, Barbe bleue n'est présent que deux fois, et la découverte du petit cabinet n'est pas retranscrite. D'autant plus que Doré centralise l'action par le jeu de clair-obscur qui met en valeur une ambiguïté, une tension latente dans le conte même : la salle dessinée est globalement sombre, cache des présences chevalier dans l'ombre et demeure mystérieuse. [...]
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