La péripétie dans Andromaque de Racine

Résumé du document

La tragédie classique du XVII siècle, par l'usage d'unités et de règles strictes, comme les unités de temps, de lieu, d'action ou encore les règles de bienséance, veut se donner un caractère vraisemblable, et souhaite imiter le réel. Le théâtre de Racine place sous nos yeux une situation tragique initiale bien différente du dénouement final, présente des meurtres, des drames et des luttes sans exposer la moindre action sur scène : tous les évènements fondateurs de la pièce n'existent que grâce aux «mots ». C'est ce paradoxe du théâtre qu'évoque Christian Biet dans cette citation très intrigante. Ainsi, «la tragédie [devrait] rompre absolument avec l'action et les péripéties », or, on conçoit très facilement que sans action et surtout, sans péripéties, il n'y a plus de possibilité d'évolution de l'intrigue vers un dénouement puisqu'il n'y a plus de moteur pour faire avancer la pièce. Mais qu'est-ce que l'action, et qu'est-ce qu'une péripétie ? Le théâtre, genre si particulier possède-t-il une définition de ces deux termes différente de celle que l'on pourrait donner pour un récit ?

Extraits

[...] Cette citation de J.Scherer met en évidence l'aspect destructeur de la résolution des dilemmes, qui à eux seuls tenaient toute la structure mécanique de la pièce. La fin de l'errance entraîne la destruction de cette structure et conduit à l'élimination successive des personnages. Cependant, les victimes ne sont pas celles que l'on attendait . alors qu'Andromaque se présentait comme une offrande de choix à la fureur des passions, elle sort victorieuse et relevée de cette tragédie. Pourquoi lui accorder le triomphe ? [...]

[...] / Je mourrai ; mais au moins ma mort me vengera. / Je ne mourrai pas seule, et quelqu'un me suivra. Toutes ces annonces de mort et ces discours ne visent qu'à convaincre et persuader les autres de suivre son inclination. Certaines tirades sont très rhétoriques et parfaitement travaillées. C'est par exemple le cas du discours que tient Andromaque à Hermione à partir du vers 858 pour lui demander de fléchir Pyrrhus sur le sort de son fils. Mais tous ces discours sont vains, ils ne sont que des mots qui retardent le dénouement, encore inconnu, mais assurément tragique. [...]

[...] De même Hermione invoque les dieux, à la scène cinq de l'acte IV «Mais seigneur, s'il le faut, si le ciel en colère / Va profaner des Dieux la majesté sacrée / Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié / Que les mêmes serments avec moi t'ont lié. [ ] Va, cours. Mais crains encor d'y trouver Hermione. »Cette malédiction jetée à Pyrrhus avec une promesse de vengeance qui prend les dieux à témoins impose un dénouement tragique ! La rupture du serment d'épouser la fille d'Hélène devient un crime contre le divin qui doit être puni ! [...]

[...] On observe ceci dans la scène trois de l'acte où Oreste, au vers 1495 rapporte le mariage de Pyrrhus et son meurtre causé par les Grecs : Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre, / Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober Cette narration effectuée par un personnage permet de faire avancer l'intrigue puisqu'elle apporte un élément nouveau sans lequel la situation resterait figée. Les scènes d'expositions sont du même ordre. En effet, une discussion entre deux personnages informe le lecteur de la situation et remplace habilement une explication préliminaire narrativisée. [...]

[...] Ensuite, Andromaque se décide à l'épouser même si elle se suicidera immédiatement après : Je vais donc, puisqu'il faut que je me sacrifie, / Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie ; [ ] Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste, / D'une infidèle vie abrègera le reste. Hermione, outrée par l'infidélité du roi et emportée par la fureur amoureuse ordonne la mort de Pyrrhus : Le perfide ! Il mourra. Oreste doit décider s'il va ou non tuer le fils d'Achille, mais les Grecs commettent le crime avant qu'il n'ait pu s'y résoudre, ils ont pris position pour lui. Le mouvement dramatique est par suite dans Andromaque d'une rapidité exceptionnelle. [...]