Le XVIIIe siècle, « siècle des Lumières », marque un tournant important dans la notion d'engagement littéraire ; les philosophes, les écrivains en général, se font plus proches, plus critiques également envers la société qui les entoure et dont ils font partie, et notamment les différentes formes de pouvoirs qui la régissent. L'auteur devient donc un acteur politique et social de premier plan, soucieux de rentrer en contact direct – voire frontal – avec l'esprit de son temps ; et c'est tout cet esprit d'action et d'interaction que nous retrouvons chez Voltaire, l'un de ces plus célèbres auteurs « engagés » – avant la lettre, puisque l'expression n'apparaît pour la première fois qu'au XXe siècle chez Sartre – lorsque celui-ci déclare « Moi, j'écris pour agir ».
On peut dès lors légitimement se demander si le rôle d'un écrivain est bien de défendre les valeurs auxquelles il tient, de les faire partager directement au lecteur, afin que celui-ci soit amené à porter un regard neuf ou du moins différent sur certains aspects de cette société dont l'auteur fait la critique. On verra ainsi que si l'un des rôles de l'écrivain est en effet de défendre les valeurs, qui sont les siennes, quel que soit le domaine qu'elles concernent, ce dernier peut également écrire dans une « simple » volonté esthétique.
[...] On voit ainsi que lorsque l'écrivain se ressent, par tradition littéraire, un rôle social important, qui le pousse régulièrement à vouloir agir dans le champ politique. Il peut cependant également s'agir de valeurs littéraires, culturelles en général, que l'auteur voudrait défendre ; une conception de ce qui est beau, de ce qui ne l'est pas, de ce que l'art permet ou non, l'instauration de nouveaux codes artistiques ou la suppression de certains. C'est le cas notamment de tout manifeste, celui du surréalisme écrit par André Breton en 1924 par exemple, ou les revendications littéraires de Victor Hugo dans la préface de Cromwell en 1827 ; l'écrivain, non content de participer à la formation de l'esprit littéraire de son époque, tente de l'amener à une évolution, voire une révolution : il agit, propose de nouvelles idées, contribue à mettre à mal des tabous et des règles qu'il juge infondées ou absurdes, à l'instar d'un Baudelaire désireux d'extraire la beauté du Mal extrait d'un brouillon de préface aux Fleurs du Mal prenant à contre-pied les canons de son siècle, et de tous ceux qui l'avaient précédé. [...]
[...] On verra ainsi que si l'un des rôles de l'écrivain est en effet de défendre les valeurs, qui sont les siennes, quel que soit le domaine qu'elles concernent, ce dernier peut également écrire dans une simple volonté esthétique. Tout d'abord, il convient de voir que la notion de valeur recouvre une réalité, ou plus exactement des réalités, larges et très variées ; dans sa première acception, celle qui vient en premier à l'esprit, il s'agit d'un ensemble d'idées politiques et sociales, un paradigme que l'écrivain prône pour la société dont il fait partie, ou du moins par laquelle il se sent impliquée. [...]
[...] Ainsi, Voltaire déclarant Moi, j'écris pour agir n'exprime finalement qu'une conception personnelle de son art et de ce qu'il aspire à en faire. Outre le pur souci esthétique qui pousse certains auteurs, d'autres diraient écrire d'abord pour le plaisir du lecteur, d'autres pour leur propre plaisir, d'autres pour une sorte de catharsis personnelle et on peut alors, par exemple, penser à Hugo tentant d'exorciser le deuil de sa fille à travers le fameux Demain, dès l'aube . Les rôles de l'homme de lettres sont nombreux : chacun, à travers sa propre histoire, sa propre personnalité, ses propres influences et idéaux, compose le sien ; il ne semblerait pas exagéré de dire qu'il y a autant de raisons d'écrire que d'écrivains. [...]
[...] Il s'agit d'offrir au lecteur le plaisir unique de la lecture, un sentiment d'évasion, voire pourquoi pas un simple divertissement ; le théâtre antique, l'une des formes les plus anciennes de littérature, n'avait d'ailleurs d'autre finalité que d'apporter au public un spectacle, celui de sentiments profonds et sincères, à travers la tragédie, ou de sujets plus légers, voire graveleux, à travers la comédie ; le point de vue, les idées de l'auteur n'avaient alors aucune importance dans la rédaction de la pièce la meilleure preuve en est que la plupart de ces auteurs nous sont aujourd'hui inconnus, et que le peu dont les noms ont traversé les siècles ne firent finalement que reprendre, à leur façon il est vrai, des mythes à l'époque connus de tous. Il en va de même pour le théâtre classique du XVIIème siècle, dont les règles fort contraignantes, par ailleurs largement inspirées du théâtre antique, rendaient de toute façon difficile toute prise de liberté du dramaturge vis-à-vis de sa propre œuvre, qui se bornait dès lors à mettre en scène une intrigue. [...]
[...] Indépendamment de l'éventualité d'un engagement de l'auteur, le but premier, intrinsèque de la littérature réside bien dans le plaisir conjugué de l'écriture et de la lecture, qui unit, le temps de cette dernière, l'écrivain et le lecteur autour de l'œuvre. On voit ainsi que, si l'un des rôles de l'écrivain, peut-être l'un des plus importants même, est bien de défendre les valeurs qui sont les siennes, à travers un engagement sensible, qu'il soit politique ou littéraire, ce dernier peut également n'écrire que dans une volonté d'offrir au public le plaisir de l'évasion trouvée dans la lecture, ou dans une quête constante et méticuleuse du beau. [...]
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