Claudel, fervent catholique, retranscrit dans ses œuvres littéraires sa foi authentique en Dieu. Dans Partage de Midi, Claudel nous fait partager une histoire tirée de son vécu, très douloureuse. Pour que son texte dramatique ne prennent pas une direction uniquement religieuse et morose, Claudel choisit de nous offrir ici, à la fois, poésie, drame, farce, mais aussi tragique et grotesque, dans une écriture foisonnante où il mêle prosaïsme et lyrisme. A cet égard, Claudine Chaunet a écrit : « La fantaisie fourmillante de Claudel finit par obscurcir l'esprit de la poésie religieuse. ». Si le mot « fantaisie », correspond à une création qui ne suit pas les règles, à une créativité libre et imprévisible mélangeant caprices et goûts bizarres ou passagers, et si l'adjectif « fourmillante »se rapporte à l'abondance, on peut alors se demander si la célèbre poésie religieuse de Claudel tend à disparaître dans Partage de Midi, sous la diversité exubérante des procédés et tonalités d'écriture utilisés. En réponse à cette question, nous verrons que certes, on ne peut qu'admettre que pour Claudel, Partage de Midi est une réalité fictionnelle fondée à partir de références autobiographiques, d'une écriture propre à l'auteur, plongée dans un cadre réaliste où les relations humaines s'assimilent à une comédie de mœurs. Mais, sous ce premier niveau se cache celui des causes dernières où la passion et la douleur sondées par une conscience désespérée prennent sens. Enfin, toute l'aventure tragique du Mesa-Claudel s'insère dans un ordre sacré et imaginaire, un ordre cosmique et symbolique et dans l'ordre religieux que l'auteur tenait pour véritable.
[...] 15,28) qui achève de camper Mesa en faux ami et en traître tandis que Ysé avait su retrouver pour condamner son mari, les termes du reniement de Saint Pierre (Matt. 26,72). On a également une parenté troublante de Ysé et Mesa avec des héros célèbres, réputés pour leurs amours adultères. En effet, le récit biblique de David et Bethsabée, amants adultères et criminels, raconte comment le roi David s'arrange à faire mourir à la guerre, Urie, le mari de Bethsabée. De plus ces derniers, figurent parmi les ancêtres du Christ comme ne manque pas de nous le rappeler le poète catholique. [...]
[...] Effectivement, ce dernier rompt avec la construction dramatique française traditionnelle. Par exemple, Claudel décide de diviser ses pièces en séquences ou encore sépare parfois les scènes par des distances de temps très grandes, entre lesquelles on ne sait absolument rien. Aucune didascalie ne nous récapitule ce qui s'est passé dans ce blanc, ce silence imposé. Après ces pauses, Claudel reprend in medias res, le fil de l'action, comme si justement il n'y avait pas eu d'interruptions. On peut illustrer ceci, en observant Partage de Midi. [...]
[...] De plus, le rôle du verset claudélien dans Partage de Midi ne se limite pas à son effet rythmique. Il ne constitue pas tant une unité de sens qu'une unité émotionnelle. L'émotion leste le langage d'une densité nouvelle et trahit les tourments inavoués de Mesa en particulier, mais aussi des autres personnages. Le verset épouse les mouvements du souffle pour suggérer à quel point la passion de ses héros excède infiniment la situation vécue et la conscience qu'ils en ont. [...]
[...] Il débute par l'épisode de la rencontre qui est comme la révélation soudaine d'identité et d'appartenance avec Mesa, je suis Ysé, c'est moi puis un don, une adhésion aussitôt suivis d'un pacte de séparation Non, Mesa, il ne faut point m'aimer Ysé, je ne vous aimerai pas ».Mais l'enlacement charnel des deux êtres finit par se réaliser dans le cimetière, à l'acte II. Le désir qui pousse Mesa et Ysé, l'un vers l'autre, traduit par sa violence même une recherche intérieure tâtonnante et des tourments profonds, que nous examinerons ensuite. Mesa l'ignore, mais ce désir exige de l'individu son propre anéantissement. [...]
[...] Mais il ne s'est pas encore résolu à tout lui donner, ainsi s'explique le départ de Ysé. C'est l'âme de Mesa qu'elle veut atteindre. A l'acte III seulement, il prononce ces mots qui font écho aux paroles de Ysé, qui sur le paquebot l'invitait à la reconnaître : C'est moi Ysé. Je suis Mesa.». Les deux personnages se rejoignent et accomplissent le dessein divin. La passion révèle la part divine de l'homme se croyant abandonné à sa déréliction dans un monde opaque, alors que la présence de Dieu semble s'éloigner. Mesa aime, mais souffre aussi. [...]
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