La Pensée et le Mouvant, La perception du changement - Henri Bergson (1934) - Qu'est-ce qui pousse un lecteur à s'attacher à un ou plusieurs personnages de romans et de poésie ?

Thèmes abordés

La pensée et le mouvant, perception du changement, Henri Bergson, Nathalie Sarraute, L'ère du soupçon, personnages de romans, poèmes, thèses de M. Grivel, souffrances du jeune Werther, Goethe, roman de Rousseau, Lamartine, Théophile de Viau, Victor Hugo, Rimbaud, Sartre

Résumé du document

À la lecture de divers romans et poèmes, nous en venons, au bout d'un temps, à distinguer des oeuvres mineures des oeuvres par ce qu'elles nous apportent, peuvent nous apporter. Les oeuvres telles que celles appartenant au genre policier répondent à une demande immédiate et calme la crise. Or, ce type de littérature ne révèle en rien cette sensation pouvant être ressentie à la lecture de certaines oeuvres, cet attachement que nous éprouvons pour ses personnages de romans et de poèmes.

Extraits

[...] Néanmoins, ne faisons pas pencher la balance du contrat de confiance entre auteurs et lecteurs en faveur de ses premiers. Profitons de leurs expériences, voyageons, mais ne nous faisons pas emporter. Ainsi, le lecteur se sent proche de ce que les romanciers et les poètes « nous disent d'autrui » parce que nous pouvons les observer, les comprendre et nous comprendre. Les auteurs ne créent pas d'état d'âme ; dans le cas contraire, il ne serait pas possible de les saisir, sans exemple dans la réalité, cela nous amènerait en terrain inconnu et nous ne permettrait pas de les comprendre. [...]

[...] Ainsi, ce sont des sentiments que nous pouvons éprouver nous-mêmes, nous rapprochant du personnage en lui donnant une existence attachante. Des personnages tels que Fabrice Del Dongo et Clélia dans la Chartreuse de Parme de Stendhal ou encore Lucien Leuwen, sont à la fois étonnants et plein de vie, pleins de réalité que nous avons l'impression qu'il est possible de se retrouver dans les mêmes situations et avoir les mêmes réactions. Nous pouvons observer en nous ce qu'autrui fait et dit à travers la plume du romancier et poète. [...]

[...] Pour cela, nous nous verrons dans une première partie que le poète est ce révélateur d'émotions que nous pouvons comprendre et observer en nous à travers autrui et ses mouvements. Mais, dans une seconde partie, nous mettons en lumière que le lecteur peut accorder trop de confiance au romancier et au poète, capables de manipuler le lecteur et lui assigner des émotions et des pensées qui ne peuvent être les siennes. I. Le poète est un révélateur d'émotions « Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces », les romans tels que l'éducation sentimentale de Flaubert traite des états d'âme comme l'amertume que l'on observe dans son roman sur une centaine de pages, des souffrances intérieures comme dans les souffrances du jeune Werther, de Goethe ou la révolte et le sentiment de haine dans le poème le mal de Baudelaire ou encore dans le voyage au bout de la nuit de Céline. [...]

[...] En effet, qu'avez-vous ressenti à la lecture des souffrances du jeune Werther de Goethe ? Des lecteurs ont été tellement imprégnés par ses écrits, qu'ils en ont par la suite éprouvé un dégoût de la vie. Ce livre, à l'époque, a causé de nombreux ravages dans l'esprit des lecteurs. C'est à nous de faire la part des choses et à avoir un œil critique sur les changements « d'émotion et de pensée » que « ce révélateur » peut nous insérer de façon subtile et habile. [...]

[...] Rimbaud dans La lettre du voyant parle « d'un lent, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. » À la poésie du XIXe siècle et XXe siècle, les vers de Baudelaire dans les Fleurs du mal comme celui des sept vieillards par exemple, ou encore les vers libres d'Apollinaire dans zone à la propose de Rimbaud dans les illuminations notamment en ce qui concerne les ponts, nous avons tendance à associer le courant de peinture impressionniste. Il illustre cette notion de perception du changement dans les émotions et les pensées. Il a cette particularité de donner « l'impression » de changement, de flou, de mouvement. L'impression en elle-même est une perception du quelque chose qui change en nous, et autour de nous. [...]