Jadis et Naguère est un recueil composite publié en 1885 qui, comme son titre l'indique, opère un retour sur des heures du passé. La plupart de ces poèmes sont comme des mélodies monocordes et désabusées. « Pierrot », second sonnet de la première section, est l'évocation d'un personnage de la comédie italienne et du folklore français. Ici, il apparaît doté de ses attributs traditionnels mais d'emblée l'atmosphère est chargée de négativité. Le sonnet est sous le signe du manque et de la mort dont l'omniprésence est la figuration symbolique du désarroi du poète, lui aussi triste Pierrot.
Nous étudierons donc successivement l'originalité du traitement de ce personnage traditionnel, avant d'analyser l'emprise de la mort dans le texte ; enfin, nous constaterons que le poète rend sensible ainsi sa propre angoisse, Pierrot étant sa propre figure.
[...] La clarté de la lune est répétée par la blancheur de son habit et son maquillage farine vers 13). Cette pâleur est la marque de son caractère innocent (étymologiquement candide signifie blanc Le début du sonnet souligne la fraîcheur naïve de Pierrot qui riait (vers et faisait montre de gaîté (vers 3). Il est à noter la place de ces deux éléments qui, en début de vers, sont mis en valeur. Le premier vers fait immédiatement référence à la chanson populaire Au clair de la Lune conférant au sonnet une apparente atmosphère d'insouciance propre aux chansons en général, et à l'enfance. [...]
[...] Il en va de même pour le vers 13. Cette asymétrie qui forge deux hémistiches impairs dans le vers est propre au poète qui déclare dans son Art poétique : préfère l'impair Au rythme irrégulier s'ajoute le ralentissement des gestes du personnage, comme empêtré : emporté par le vent, il fait vaguement par l'espace/des gestes fous (vers 10-11). Mais il y a plus grave : la solitude effrayante. À la chanson populaire s'oppose le hurlement de Pierrot qui n'est en réalité que du silence : il semble hurler (vers 8). [...]
[...] D'autre part, la mise à distance qu'opère l'auteur en se représentant en Pierrot, indique qu'il n'est plus lui-même. Le poète s'est perdu, aliéné. Ainsi ce sonnet, par la représentation d'un personnage traditionnel, permet-il à Verlaine de transcrire ses angoisses de poète face à la solitude, au silence. La mort qui plane sur le texte est symbolique de la dégradation qu'a ressentie l'auteur devant son passé. L'écho qui se perpétue dans le lecteur est celui d'un malaise, du sentiment douloureux et émouvant d'un manque rendu sensible par la musicalité un peu discordante des vers. [...]
[...] Le sonnet est sous le signe du manque et de la mort dont l'omniprésence est la figuration symbolique du désarroi du poète, lui aussi triste Pierrot. Nous étudierons donc successivement l'originalité du traitement de ce personnage traditionnel, avant d'analyser l'emprise de la mort dans le texte ; enfin, nous constaterons que le poète rend sensible ainsi sa propre angoisse, Pierrot étant sa propre figure. Le sonnet s'offre comme la définition d'un personnage par rapport à sa nature antérieure : ce n'est plus (vers 1). Le Pierrot est un personnage traditionnel caractérisé par un certain nombre d'attributs. [...]
[...] Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair Sa pâle blouse a l'air, au vent froid qui l'emporte, D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte Qu'il semble hurler sous les morsures du ver. Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe, Ses manches blanches font vaguement par l'espace Des signes fous auxquels personne ne répond. Ses yeux sont deux grands trous où rampe du phosphore Et la farine rend plus effroyable encore Sa face exsangue au nez pointu de moribond. Plan I. Le traitement original d'un personnage traditionnel Pierrot Perversion de la tradition Le statut du titre II. La présence de la mort L'écoulement du temps La morbidité III. [...]
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