Parole et silence, théâtre du XXe siècle, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Nathalie Sarraute, Jean-Luc Lagarce, double énonciation, dramaturgie, expérience métaphysique, établir des liens, fatalité, tragédie
Le théâtre de Ionesco (La Cantatrice Chauve, Les Chaises), de Beckett (En attendant Godot, Fin de partie), de Sarraute (Le Silence, C'est beau, Pour un oui ou pour un non) ou encore de Lagarce (Juste la fin du monde) témoigne d'une réflexion sur la parole humaine et en illustre par le texte les faiblesses, les limites ou les dysfonctionnements. L'humanité est condamnée à parler sans pouvoir jamais rien dire, vouée à accumuler des clichés et des banalités dans un monde qui lui échappe et dont le vide semble vouloir signifier la vanité de toute entreprise - surtout langagière.
[...] La double énonciation est un phénomène propre au théâtre : les répliques échangées par les personnages sur scène sont également destinées au spectateur (ou au lecteur). Mode d'emploi L'analyse précédente fournit des exemples concrets permettant d'illustrer une réflexion sur les dysfonctionnements de la parole : les mots ne correspondent pas toujours à notre pensée, le langage est voué à ne véhiculer que des clichés, des banalités, à figer les objets sans leur correspondre vraiment. Les mêmes œuvres proposent de lier la parole à une vision pessimiste de l'humanité : condamné à communiquer mal ou à ne pas communiquer du tout, l'homme est voué à passer sa vie à attendre dans un monde dépourvu de sens. [...]
[...] ce n'est pas sans importance. Dans cet univers, parler revient à s'exposer, désarmé, aux coups de l'adversaire. La conversation est un échange qui équivaut à un combat ou une bataille. Parole et silence : l'homme et le monde Une communication difficile, voire impossible Lagarce et le divorce de la pensée et de la parole La plupart des pièces étudiées ici font le constat d'une communication difficile, voire impossible. Chez Lagarce, l'accent est mis sur le divorce entre la pensée et le langage : la parole échappe sans cesse et, fugitive, refuse de correspondre à la pensée. [...]
[...] Parler est une profanation (Le Silence), car les mots ne peuvent renvoyer à la chose exacte, ils ne peuvent que la banaliser , ils sont scélérats (C'est beau), ils ne peuvent dire le monde. Beckett : parler à tout prix pour échapper au silence Les personnages de Beckett sont en proie au même vertige face au silence qui les entoure. Celui-ci est synonyme de solitude et de vide et est particulièrement angoissant pour Vladimir et Estragon dans En attendant Godot (1952) : ils veulent parler à tout prix pour ne pas entendre ce vide qui les entourent, qui pourrait signifier . [...]
[...] Parole et silence : le renouvellement du tragique Dans ces pièces du vingtième siècle, c'est le silence qui occupe désormais la place de cette force fatale supérieure aux personnages. Parole et silence acquièrent un nouveau statut : ils deviennent des forces qui s'affrontent, mais également des armes qui permettent d'exterminer l'adversaire. Le silence comme fatalité chez Sarraute Dans Le Silence de Nathalie Sarraute, le silence est justement présenté comme une force qui s'empare tour à tour des personnages, comme un ennemi avance progressivement sur ses positions. [...]
[...] La parole comme arme Dans le théâtre de Sarraute, on pèse les mots des autres, les siens, on passe au crible la moindre intonation, on dissèque la parole pour trouver ce qu'elle dissimule, y compris dans ses silences. C'est le cas de H.1 et H.2 dans Pour un oui ou pour un non (1982) : H.1 : et alors je t'aurais dit "c'est bien, ça ?"//H.2, soupire : Pas tout à fait ainsi . il y avait entre "C'est bien" et "ça" un intervalle plus grand : "C'est bien . ça . " Un accent mis sur "bien" . un étirement : "biiien" et un suspens avant que "ça" . [...]
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