Le poète constate avec regret et désespoir les instants qui semblent s'évaporer et se perdre à jamais dans le gouffre, le tourbillon de la vie. Il observe avec désarroi la quantité massive de ses souvenirs, s'effaçant et se perdant dans le néant sans qu'il puisse faire quelque chose pour les retenir. L'adverbe « tant » qui revient à trois fois dans la première strophe reprend péniblement ce flot de souvenirs qui s'échappe, laissant le poète seul face à sa solitude. Les « mille oiseaux » insistent encore douloureusement sur cette fuite infinie des instants que ne peut arrêter la mémoire. Ainsi, ces adverbes qui expriment la trop grande quantité s'opposent brutalement à l'unicité de la « rose », du « retour », de l'« oiseau » et du « jour ». Ainsi, les souvenirs seraient comme des lumières qui s'éteignent, délaissant alors le poète dans l'obscurité et le noir effrayant. Ici donc, Jules Supervielle dénonce l'incapacité de la mémoire à retenir les instants, n'engageant que des « oublis », des « départs » incessants et des fuites qui se retrouvent dans le verbe « s'enfuient ». On pourrait ainsi répertorier un champ lexical du mouvement à partir de ces mots, auxquels s'ajoutent « retour », « se pose », « rapprochez », « libérez » et « passe ».
[...] De la même manière, la tonicité et la joie du poète sont exprimées à travers les noms cœur et couleurs le cœur évoquant la tendresse, l'affection et la poésie, se mêle au dynamisme et à la vitalité des couleurs Alors que la deuxième strophe semblait évoquer le retour de l'espérance, des souvenirs et de l'inspiration, le poète bascule sensiblement dans une sorte d'apothéose dans cette troisième strophe, paraissant être en extase devant les innombrables mondes qui viennent à nouveau habiter sa mémoire . III. Le poète en admiration face aux vastes horizons qui s'établissent en sa mémoire A. Les entités orphelines retrouvent leur élément Les choses ne sont plus pour le poète des entités abstraites et incohérentes, qu'il peinait à définir lorsque sa mémoire l'abandonnait. Sa mémoire retrouvée, le chêne sort de sa longitude incompréhensible et déstabilisante, pour être apposé à la catégorie des arbres. C'est en cela qu'il redevient arbre pour le poète. [...]
[...] Ainsi, le poète garde rancune à la fallacieuse mémoire, avec qui il est pourtant lié intrinsèquement. Ce revirement de situation pessimiste, que cause la sœur obscure du poète, appelle alors le champ lexical de l'obscurité qui figure tout au long du poème de manière éclatée, à savoir obscurité au vers l'ombre au vers les ombres au vers 9 et obscure au vers On assiste donc à une personnification de la mémoire pudique et taquine, qui, tel un corps, semble décidée à cacher certaines parties de sa personne à son frère le poète, qui ne peut apercevoir qu'un seul côté de la mémoire. [...]
[...] En effet, le poète vieillissant et malade exprime son accablement face à l'état de sa mémoire, de plus en plus défaillante, omettant les instants précieux, et provoquant l'anéantissement de sa chère inspiration. Bien que le poète exprime une mélancolie aigüe, on dénote la présence d'une lueur d'espoir qui persiste avec finesse à travers les premières lignes du poème, prenant de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure que les souvenirs réapparaissent. Pour autant, l'auteur du poème n'en reste pas moins fâché avec sa gâteuse partenaire, qui semble toujours se jouer de lui. [...]
[...] Oublieuse Mémoire Jules Supervielle I. Un poète en proie aux oublis A. L'accablement du poète soumis à sa défaillante mémoire Le poète constate avec regret et désespoir les instants qui semblent s'évaporer et se perdre à jamais dans le gouffre, le tourbillon de la vie. Il observe avec désarroi la quantité massive de ses souvenirs, s'effaçant et se perdant dans le néant sans qu'il puisse faire quelque chose pour les retenir. L'adverbe tant qui revient à trois fois dans la première strophe reprend péniblement ce flot de souvenirs qui s'échappe, laissant le poète seul face à sa solitude. [...]
[...] Ainsi, il incite le lecteur à rapprocher sans crainte sa pauvre joue. Cet adjectif pauvre peut s'interpréter comme une transition entre la strophe précédente, rythmée par la mélancolie et la détresse du poète, et la deuxième strophe qui entre dans un cycle de ressaisissement et reprise de courage. Le poète, donc, encourage le lecteur à se lancer dans une sorte d'introspection, qui aux premiers égards peut paraître effrayante, en lui prescrivant de recentrer son esprit sur lui-même. Supervielle semble vouloir combler les distances entre lui et le lecteur, comme pour tenter de trouver une forme de compassion et de solidarité de la part de celui-ci, afin de mieux lutter contre ces mille souvenirs qui s'enfuient Ainsi, lorsqu'il écrit rapprochez-moi notre mémoire nous il ne veut faire qu'un seul avec le lecteur, qui est alors sensé s'identifier au poète . [...]
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