Bien que la création de La légende des siècles ait été morcelée, Hugo a construit une structure générale claire reposant sur une organisation par périodes historiques. En effet, si le poète a d'abord composé Les Petites Epopées en 1859, puis les œuvres Dieu et La fin de Satan, il a annoncé dès la Préface des Petites Epopées son intention d'écrire La légende des siècles. Les Séries de 1877 et de 1883, outre les éléments nouveaux qu'elles apportent, ne modifient pas la structure d'ensemble du recueil. Dès lors que l'on s'intéresse à cette composition, on peut s'interroger sur la notion d'ordre chronologique. Si l'écriture n'a pas été chronologique on peut se demander s'il existe tout de même un ordre chronologique dans l'œuvre. Et si oui, quelles sont ses caractéristiques ? L'édition Ne varietur privilégie une organisation chronologique plutôt qu'une présentation sérielle. Il semble a priori étonnant d'établir un lien aussi important entre la poésie et l'histoire. Quelle vision de l'histoire de l'humanité transparaît au travers de l'ordre chronologique donné par Hugo à son recueil et quelles en sont les conséquences poétiques?
[...] La datation est donc très imprécise pour ces dix premières sections et l'ordre chronologique est discutable. La section Le Cid exilé est elle aussi difficile à dater. Les sept merveilles du monde ainsi que l'épopée du ver et le poète au ver de terre (Alexandre le grand = siècle avant J.C.) proposent un nouveau retour en arrière avant le début de l'ère chrétienne. Cependant, les sections suivantes, ne serait-ce que par leur titre, évoquent des périodes plus définies. Des chevaliers errants au dix-septième siècle» la progression chronologique est plus linéaire même si des anachronismes demeurent (ex : Elciis référence à Othon III qui a régné au siècle). [...]
[...] Il s'agit désormais de mieux comprendre le sens d'une évolution et de découvrir les lois qui président aux changements. Plusieurs courants d'interprétation de l'histoire se dessinent ainsi. Certains penseurs croient au déterminisme social. En revanche, les romantiques et notamment Hugo, se réfèrent à une mystique idéaliste de la fraternité sociale et de la libération humaine. Ces premiers éléments d'analyse indiquent les grands principes de l'organisation du recueil : événements fondateurs qui ont fait évoluer le monde + libération des hommes. [...]
[...] L'approche historique rejoint même parfois un certain nombre de règles de l'histoire positiviste. Cependant, le recours au détail dans la description, outre sa valeur littéraire, place plutôt le recueil du côté de l'historiographie et non du compte-rendu objectif. L'histoire telle que la conçoit Hugo se distingue pourtant de l'historiographie officielle, destinée à rendre honneur au souverain. Si les guerres et les combats sont bien représentés dans La Légende des siècles, ce n'est jamais dans le but de mettre en avant des faits d'armes marquants des certains héros de la nation. [...]
[...] La fidélité historique peut-elle coexister avec une volonté poétique ? L'histoire doit- elle être une simple copie de la réalité ou une représentation, donc une manière créative de voir les choses ? Hugo ne traite pas l'histoire de manière mensongère, il annonce une fidélité absolue à la couleur des temps et à l'esprit des civilisations diverses à la cinquième page de la Préface de la première série. On comprend que l'essentiel n'est pas de reproduire fidèlement les événements passés mais de rendre compte de leur esprit d'une dimension qu'on ne peut pas reproduire exactement parce qu'elle n'est pas directement observable. [...]
[...] D'un poème à l'autre, on peut ainsi souvent constater une certaine évolution de la condition humaine, même si elle est parfois minime. Le Progrès cependant ne conduit pas toujours à plus de justice. Parallèlement à l'évolution idéale, il existe un progrès de la tyrannie. La section des Trônes d'orient qui vient après celle des Chevaliers errants semble ainsi marquer un retour en arrière vers la barbarie. Si Hugo accorde donc plus ou moins d'importance à certaines périodes historiques, c'est peut-être pour souligner celles qui, selon lui, ont le plus marqué l'évolution de l'humanité. [...]
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