« Il faut peut être le soleil, il faut peut être le plein air, une peinture claire et jeune, les choses et les êtres tels qu'ils se comportent dans la vraie lumière, enfin, je ne puis dire, moi ! Notre peinture à nous, la peinture que nos yeux d'aujourd'hui doivent faire et regarder » proclame le peintre Claude Lantier au début de l'œuvre, roman écrit par Zola en 1886.
Tel est sa philosophie esthétique novatrice, mise en œuvre dans la globalité de notre extrait. L'œuvre raconte la tragédie d'un peintre au prise avec les affres de la création. Incompris, rejeté même, il abandonnera sa vaine lutte contre les codes esthétiques de son époque en mettant fin à ses jours.
Le texte proposé, situé au chapitre huit du roman, montre Claude de retour à Paris après sa brève escapade amoureuse à Bennecourt. Il est aux mains de sa fièvre créatrice retrouvée. A trois reprises il envoie des tableaux au Salon, qui les refuse, immanquablement. Le peintre lutte malgré la répétition de l'échec. Il apparaît comme un génie raté, incompris aussi bien du jury que de ses amis. Le récit de sa « révolte » permet à Zola d'asseoir un ferme manifeste esthétique : celui de l'impressionnisme, dont Claude semble être le chef de file. Implicitement, l'auteur établit aussi le manifeste de son écriture naturaliste. Les échecs consécutifs de Claude placent l'extrait à un point crucial du roman : ils marquent le début de la déchéance qui le conduira vers la mort, elle même déjà annoncée, telle une prophétie…
Ainsi, le passage fait de Claude un peintre anticonformiste raté. Une telle figure donne lieu à un manifeste esthétique, à la fois pictural et littéraire. Mais bien au delà, c'est l'échec de Claude et de sa peinture qui sont annoncées, laissant toute sa supériorité à l'écriture…
[...] Il peint pour imposer son idéal esthétique, et non pour être un artiste reconnu : il sentit qu'un pareil tableau ne serait pas reçu ; mais n'essaya point de l'adoucir Lui veut révolutionner le Salon. Tout l'extrait est parsemé du champ lexical de l'entêtement : n'abandonnant rien obstination L'anti-conformisme Claude progresse en crescendo : plus les refus s'accumulent, plus le peintre se rebelle contre l'ordre établi. A la seconde tentative il chercha une opposition et à la troisième il s'enragea sur une œuvre de révolte L'unité phonique du groupe verbal autour du r rend compte de la rage de l'artiste désillusionné. Claude veut mettre dans son tort le Salon. [...]
[...] Le premier plan du deuxième tableau représente une scène de vie banale : des enfants en train de faire des pâtés de sable Le narrateur utilise un vocabulaire dépréciatif, destiné à accroître l'impression de médiocrité des sujets représentés : voyou gamines goguenarde A cela s'ajoute une seconde particularité esthétique : Claude s'attache à peindre des moments de la vie pris sur le vif Les personnages prennent vie sur la toile. L'hypotypose du troisième tableau anime la toile entière du peintre. La réalité et l'œuvre se confondent dans une même description animée. [...]
[...] Enfin, toute l'évolution du récit est annoncée dans ce morceau prophétique : la rupture du groupe d'amis, la déchéance de Claude, sa folie, et enfin son suicide. L'extrait peut être résumé par cette affirmation de Zola lui-même : Avec Claude Lantier je veux peindre la lutte de l'artiste contre la nature, l'effort de la création dans l'œuvre d'art, effort de sang et de larmes pour donner sa chair, faire de la vie : toujours en bataille avec le vrai, et toujours vaincu . [...]
[...] La peinture de Claude progresse vers la brutalité. Les deux premiers tableaux ne font pas l'objet d'une description aussi détaillée que la troisième œuvre. Cette dernière est perçue comme le comble de l'acharnement du peintre : celui-ci retranscrit sur sa toile toute sa rage de vaincre. Et dans cette toute dernière description, Paris se transforme en un véritable enfer Zola insiste sur la chaleur écrasante du tableau qui représente Paris comme un pays brûlé Cette accablante canicule est mise en relief à diverses reprises. [...]
[...] Le verbe s'évanouissait rend compte de la fugacité des sensations représentées. Enfin, Claude froisse les conventions en peignant en plein air. L'auteur insiste sur son dédain envers l'atelier : il ne se permit à son atelier qu'un nettoyage Il méprise sa morne lumière : sous la clarté morte du vitrage son œuvre apparaît davantage brutale Dehors, sous la lumière changeante de l'air, Paris apparaît comme une ville constituée de beaux tableaux quotidiens. Ces innovations esthétiques annoncent déjà le manifeste esthétique de Claude qui porte le nom d'impressionnisme. [...]
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