Dire qu'au fil des ans, les études rabelaisiennes ont fait une place de plus en plus large, et à juste titre, à la question du langage ; l'oeuvre présente une langue prodigieusement nouvelle et totalement unique dans l'histoire des lettres. Dans l'oeuvre de Rabelais, on assiste à une exhibition répétée de situations de paroles. Paradoxe : dans un siècle où l'on vient d'inventer l'imprimerie et où l'on proclame la souveraineté de la chose écrite, cette écriture cherche à affirmer son caractère spontanément oral dans la tradition du conte. Rabelais exploite cette oralité pour le plaisir. Mais il l'exploite également pour interroger les mécanismes du langage et de la communication à l'oeuvre dans l'échange oral.
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- La tradition "gigantale" appartient au grand courant oral qui a traversé le Moyen Âge et qui remonte peut-être au-delà. Le roman de Rabelais garde les caractéristiques orales de la tradition dont il est issu. A tout moment, on devine derrière la page écrite la voix chaleureuse, malicieuse du conteur qui connaît son auditoire et ménage ses effets. L'oeuvre de Rabelais n'est qu'un conte élargi qu'il faudrait pouvoir écouter (Rabelais qui la dicta) plutôt que de le lire.
- ce goût du conte lui vient de son passé : il faut savoir que le jeune Rabelais avait entendu son vieil oncle maternel, le chanoine Frapin, lui raconter des contes poitevins. Il avait assisté aux mystères et aux farces (il était lui-même monté sur les tréteaux), écouté les charlatans et bonimenteurs de la place publique, visité foires et cabarets.
- ce goût du conte, qui le conduit à "introduire dans la prose écrite le style parlé" lui vient aussi d'un désir plus profond de dire le monde pour mieux le saisir (...)
[...] La symbolique du sel marque donc ce goût pour la fabulation, cette soif de dire le monde. B. Exhibition répétée des situations de parole - On parle beaucoup dans les romans de Rabelais. Les héros sont animés d'un désir impatient de s'exprimer, d'entrer en relation verbale avec le monde, de communiquer avec autrui : c'est même l'un des ressorts importants de l'action des personnages dans le roman. Cf. l'aptitude innée au langage de Gargantua qui crie dès sa naissance à boire ! [...]
[...] Le goût pour l'oralité (cf. F. Rigolot, Les Langages de Rabelais, 1996) - La tradition gigantale appartient au grand courant oral qui a traversé le Moyen Âge et qui remonte peut-être au-delà. Le roman de Rabelais garde les caractéristiques orales de la tradition dont il est issu. A tout moment, on devine derrière la page écrite la voix chaleureuse, malicieuse du conteur qui connaît son auditoire et ménage ses effets. L'œuvre de Rabelais n'est qu'un conte élargi qu'il faudrait pouvoir écouter (Rabelais qui la dicta) plutôt que de le lire. [...]
[...] S'inscrit dans la tradition chevaleresque et gigantale. Défense du conte populaire. Cf. l'éloge de l'art de conter situé à la fin de son prologue (alors que le début est une glorification de la mémoire). Le narrateur intervient fréquemment dans l'énoncé, soit pour des commentaires, soit pour de véritables adresses au lecteur C. La lutte contre la chose écrite Les scribes sont exclus de Thélème : Cy n'entrez pas, hypocrites, bigots [ Officiaulx, scribes et pharisiens Refus d'idolâtrer la chose écrite, car l'écriture risque de nous faire oublier tout ce qui se transmettait jusque-là par l'oralité. [...]
[...] Le vocabulaire de la place publique dans l'œuvre de Rabelais - Rabelais est la chambre d'écho des voix de la place publique. Il a fréquenté les champs de foire (très nombreux en Poitou : à Fontenay-le- Comte se tenait une foire –internationale- trois fois l'an ; il a assisté à des spectacles de rue (très fréquents au XVIe siècle) ; il a participé aux réjouissances estudiantine (à Montpellier) ; il a connu tout aussi bien la vie de la place publique et de la rue à Lyon (la foire de Lyon était l'une des premières dans le domaine de l'édition : on publiait des livres à cette occasion) ; il a été fasciné par la fête carnavalesque (voir sa correspondance), lors de son voyage en Italie en 1559. [...]
[...] Premier enjeu : humain Les infractions langagières ne se feront qu'au niveau du jeu, non du pédantisme, là est la clef de voûte de l'édifice humain : les beaux bâtisseurs de pierres mortes ne sont écrits en mon livre de vie. Je ne bâtis que pierres vives : ce sont hommes Deuxième enjeu : littéraire L'oralité qui règle les rapports entre les personnages reproduit la relation de l'écrivain à son œuvre : Maître Alcofribas multiplie dans son livre des appels, des invites, des propos directs : cf. les prologues dans lesquels le narrateur recherche la captatio benevolentiae derrière la verve du bonimenteur. Mise en place d'un échange oral avec les lecteurs avisés et réceptifs. [...]
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