Lorsqu'on lit Les Nourritures Terrestres d'André Gide, on est amené à se demander pour quelles raisons il a pu marquer toute la philosophie d'une génération et captiver la jeunesse de son époque. Pourtant, lors de sa parution en 1897, l'œuvre connaît un succès modeste, critiquée par la majeure partie des intellectuels. Il faut dire que le roman de Gide a de quoi décontenancer plus d'un lecteur : sa prose lyrique et novatrice perturbe, ses descriptions sans fin des paysages ne séduisent pas, et sa philosophie hédoniste tranche avec les pensées de son siècle. Ainsi, Gide s'est lancé un défi de taille en voulant créer une véritable rupture dans la littérature du XIXe siècle. Il semblerait que ce soit seulement vingt ans après la parution du roman que le texte va commencer à attirer l'attention du lectorat. Car en effet, bien plus qu'un livre provoquant, c'est une véritable célébration de la Vie que l'auteur nous offre en spectacle. A travers les huit livres qui composent Les Nourritures terrestres, Gide va nous faire contempler les beautés de la terre, et tenter de nous faire apprécier chaque seconde de cette vie tellement enrichissante qu'est la nôtre.
Le passage étudié se situe à la fin du Livre VII. Il s'agit de rattacher ce Livre à la citation de Virgile qui le débute, à savoir : « Quid tum si fuscus Amyntas ». Cette citation nous renvoie à un autre roman de Gide qu'il écrira en 1906 et qui s'intitule justement Amyntas. Ce roman réunit les différentes notes prises par Gide durant les séjours successifs qu'il a fait en Afrique. Cette citation nous indique donc immédiatement le contexte spatial dans lequel l'auteur va nous plonger, marqué par l'orientalisme et l'exotisme. Après une traversée en bateau, le narrateur arrive enfin en Algérie et commence à nous exposer les merveilles de ce pays. Dans notre extrait, le narrateur cite trois lieux en particulier, à savoir Chetma, Oumach et Touggourt.
[...] Il ne condamne pas pour autant les beautés et les trésors que l'être humain peut offrir au monde, mais la nature de leur effet. Ainsi, grâce à son pouvoir évocateur et l'importance qu'il accorde à ses sens, le narrateur parvient à nous faire vivre pleinement son exploration de l'Orient et de la Vie. Son sens du détail, la structure des ses phrases, et sa conception sensualiste du monde vivant, nous affranchissent de toute retenue vis-à-vis de son texte et nous guident peu à peu vers cette ivresse de l'âme. [...]
[...] ; Celles que l'on mâchait emplissaient aussitôt la bouche d'amertume et poissaient désagréablement les dents Enfin, l'ouïe apparaît comme le sens de l'harmonie, de l'amour, faisant apparaître des sons agréables et enchanteurs : leurs petits pieds pressés faisaient le grésillement d'une averse ; La suivante était beaucoup plus belle, pleine de fleurs et de bruissements. ; j'entends la flûte du berger que j'aime Ainsi, le texte est la parfaite illustration de la libido sentiendi qui met en valeur l'optique sensualiste des Nourritures terrestres. Le monde doit être exploré en détails et aucun de ses aspects, bons ou mauvais, ne doit nous échapper. Les sens sont donc le moyen de capturer ces sensations afin qu'elles nous mènent vers cette extase tant recherchée. [...]
[...] La structure même du passage nous donne cette impression. Nous pourrions diviser le texte en couplets et refrain, les couplets étant les descriptions successives de chaque lieu, et le refrain étant marqué par le verbe aimer En effet, l'extrait présente trois phrases presque identiques que l'on trouve à trois reprises et qui ne différent que par le temps du verbe : je n'aimai plus que le désert désert de gloire, je t'ai passionnément aimé et je t'aurai passionnément aimé, désert de sable Ainsi, chaque couplet de ce chant lyrique met en valeur la beauté de la nature, et le refrain ne vient que renforcer la vénération et l'amour que lui porte le narrateur par l'usage de ce verbe au sens si fort. [...]
[...] L'auteur et la Nature fusionnent donc dans cet état de bouleversement des choses. L'oasis si belle et si propice à l'harmonie devient alors un navire épouvanté et bouleversée par le vent Il y a donc clairement une dégradation de ce qui était auparavant sujet au bonheur intense. Les rues des villages roses au jour, violettes au coucher sont touchées par la misère : dans les rues du petit village, d'intense soif de fièvre les maigres hommes nus se tordaient. On retrouve ici cette notion de douleur et de souffrance qui a fait chavirée la vision du narrateur. [...]
[...] Les Nourritures terrestres, de Gide, Livre VII p. 139-147 Lorsqu'on lit Les Nourritures Terrestres d'André Gide, on est amené à se demander pour quelles raisons il a pu marquer toute la philosophie d'une génération et captiver la jeunesse de son époque. Pourtant, lors de sa parution en 1897, l'œuvre connaît un succès modeste, critiquée par la majeure partie des intellectuels. Il faut dire que le roman de Gide a de quoi décontenancer plus d'un lecteur : sa prose lyrique et novatrice perturbe, ses descriptions sans fin des paysages ne séduisent pas, et sa philosophie hédoniste tranche avec les pensées de son siècle. [...]
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