Dans la préface à l'édition américaine de 1955, Camus tente de résumer son œuvre par une phrase dont il reconnaît lui-même être très paradoxale : « Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort ».
En quoi cette phrase résume en tous points le message qu'a voulu faire passer Camus dans L'Etranger, à savoir l'intolérance à la différence qui conduit une société conventionnelle et stéréotypée à exclure l'un de ses membres parce qu'il n'en respecte pas les codes ?
[...] Meursault n'a pas réussi à s'adapter aux codes de sa société ainsi qu'à ceux de la justice, cette expérience nous rappelle celle de Joseph K. dans Le Procès de Kafka, tous ces efforts durant le roman pour tenter de déceler les rouages de la justice ont été vains. L'issue est pour lui aussi la mort. Même si K. se distingue de Meursault par sa volonté tenace de lutter pour sa vie et son honneur, il est lui aussi comme étranger à son procès, il subit le caractère absurde de cette démarche. [...]
[...] C'est pourquoi il ne joue pas le jeu que la société lui impose, en cela il refuse de mentir et repousse la tentation de se sauver. Camus explique clairement sa phrase de résumé en disant : Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu il le définit comme étranger à la société où il vit Le vrai message que Camus tente de faire passer c'est que Meursault ne joue pas le jeu car il refuse de mentir, sous aucun prétexte il ne mentira même si sa vie est en jeu. [...]
[...] Cependant, Bartelby est différent, il ne parle pas, ne pense pas, n'agit pas, ne fait rien qui le pousserait à se servir de sa volonté ; il adopte l'attitude du refus passif. Sa mort serait passée inaperçue si elle n'avait pas procuré un certain soulagement à la société exaspérée par sa seule présence. La phrase de Camus est très paradoxale, il l'avoue lui-même, et ce, parce qu'il a voulu rendre cette phrase absurde, incohérente, tout en la faisant passer pour vérité générale. [...]
[...] Ils se sentent glorifiés, par une conviction intime qu'ils n'ont pas besoin de songer à leur sort funeste ou à un au-delà pour mourir réconciliés. Parce qu'il a dit les choses comme il les avait vues, sans les sentir, parce qu'il s'est resté fidèle et a refusé de mentir, parce qu'il s'est abstenu volontairement d'ennoblir ses sentiments, Meursault est condamné à mort. Par une approche implicite et par l'intermédiaire de sa phrase de résumé mais plus explicitement tout au long du récit, Camus exprime en réalité de vigoureuses critiques sur les structures de la société dans laquelle il vit. [...]
[...] Camus tente de montrer que son héros n'est pas dépourvu de sentiments, de sensation, puisqu'il est animé par une passion profonde celle de l'absolu et de la vérité. Camus dit de lui qu' il y a quelque chose en lui de positif et c'est son refus jusqu'à la mort de mentir Il se rapproche en cela du héros de Stendhal dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel, qui une fois en prison et sachant pertinemment que son issue proche serait fatale, ne pense plus aux choses qui lui sont étrangères mais s'intéresse à lui, à sa vraie intériorité et non celle qui paraissait autrefois. [...]
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