Depuis l'Antiquité, la poésie lyrique était considérée comme liée au chant et à la musique, avec une image prépondérante : celle d'Orphée poète, accompagné de sa lyre. Cependant, le chant et la musicalité favorisant l'expression des émotions et l'accès au monde intérieur, une séparation s'opère au XIIIe siècle entre texte poétique et musique. Le lyrisme devient alors l'expression de sentiments intimes, ce que l'on peut constater chez Ronsard, par exemple, dans ses Odes amoureuses. On assiste ensuite à une émergence du sujet, notamment avec les romantiques qui le placent au centre du poème et du monde par le biais de l'énonciation lyrique. Le poète s'identifie à celui qui parle dans ses poèmes. Il effectue un « rattachement étroit du sujet lyrique au « moi » biographique », selon Yves Vadé, en multipliant « les innombrables références des traits poétiques à ce « moi » biographique ». Malgré le côté « rassurant » de cette identification, Yves Vadé explique que « le sujet lyrique se constitue par une distance […] explorant toutes les variétés de l'écart, par rapport au « moi réel ». » Pour lui, l'auteur est conditionné par la famille, la société et la nation contrairement au sujet lyrique qui a la faculté de « déplacer les limites » : « le poète lyrique est à la fois celui qui « est ici » et celui qui « voit ailleurs ». » Le sujet lyrique ne serait donc pas différent du « moi » biographique, ce que ne cherche pas à nier Yves Vadé. Néanmoins, il place toute son attention sur la dynamique instaurée dans la relation entre ce « moi » et le sujet lyrique qui ne serait pas à l'origine d'une identification pure mais davantage une source par rapport à laquelle le poète se situerait, se déplacerait. Cela soulève la question du sujet qui détermine le devenir ainsi que l'évolution de la poésie moderne. Comment, au cœur de la problématique du lyrisme, se pose le rapport entre le sujet et son acte poétique ? Quels sont les rapports du sujet lyrique avec la biographie et la réflexion sur le type d'énonciation qu'il élabore ? Certes le « moi » biographique peut être facilement identifiable mais le sujet lyrique peut être dissous, dispersé ou recomposé dans un poème. Il peut également être le porte-parole d'une époque ou encore traduire son expérience dans une voix impersonnelle avec des images universelles. Cela étant dit, se pose finalement la question de l'expérience : peut-être que le poème n'est pas le lieu privilégié de son expression.
[...] Hugo a greffé sur l'œuvre sa vie entière, j'ai dans ce livre enregistré mes jours, / Mes maux, mes deuils, mes cris dans les problèmes sourds, / Mes amours, mes travaux, ma vie heure par heure A celle qui est restée en France Nous retrouvons cette figure du moi biographique se confondant avec le sujet lyrique dans un autre recueil d'Hugo, Les Châtiments. La figure du poète y est très importante. Ecœuré par une évolution politique qui ne correspond pas à ses souhaits, il confie avec véhémence ses sentiments, ses émotions. Il n'a de cesse d'y souligner ses états d'âme, d'attaquer Napoléon III et ses complices. Le poète se situe au centre du discours poétique et rapporte à son moi l'ensemble des phénomènes extérieur. Le je qui émet la parole poétique est au centre d'une lutte sans merci. [...]
[...] Cela prouve à quel point la poésie d'Hugo se confond avec sa vie. Le côté anecdotique du journal intime se retrouve également chez Du Bellay dans ses Regrets. Ce dernier revendique une poésie intime et personnelle et confie, dans ses poèmes, le ressenti de son cœur. Selon lui, la poésie doit être autre chose que philosophique ou purement artistique. Du Bellay ne se pose pas en poète surhumain, comme l'avait fait Ronsard juste avant lui, il cherche à dépasser l'art et à se rapporter au vécu. [...]
[...] Tout d'abord, la conscience d'appartenir à une même époque, trouble et incertaine, comme l'affirme Hugo De quel nom te nommer, heure trouble où nous sommes ? La situation historique est commune. Mais ensuite, l'affirmation insistante d'une nature humaine commune ce qui implique les mêmes espoirs, les mêmes peurs, les mêmes envies, les mêmes vices. C'est cette thématique que développe Baudelaire dans son Au lecteur Ce lecteur hypocrite ne veut pas admettre que la sottise, l'erreur, le péché et l'Ennui exercent sur lui les mêmes ravages que sur le poète. [...]
[...] Cette tension n'est finalement jamais résolue puisqu'aucune synthèse ne se produit des deux postulations simultanées (Baudelaire). Ce jeu entre biographique et fictif, expérience singulière et universelle à une double visée intentionnelle et place le sujet lyrique et le poète dans l'entre- deux Cette expérience du monde et dans le monde se traduit dans et par l'écriture. Ce qui nous amène à nous demander si cette expérience est antérieure au poème ou si ce dernier n'en serait pas le lieu même grâce à une poésie de l'instant, dont le temps serait celui de l'écriture. [...]
[...] Sa vie sentimentale est faite d'abandon, de tristesse ce qui nourrit l'inspiration du poète qui se montre en amant douloureux promis au statut de Mal- Aimé Mais l'épigraphe à ce poème annonce une promesse de renouveau mon amour à la semblance / Du beau Phénix s'il meurt un soir / Le matin voit sa renaissance Cet épisode de la vie d'Apollinaire correspond à sa rupture avec Annie Playden et sa passion nouvelle pour Marie Laurencin. Outre la vie intime, la conviction intellectuelle, politique et sociale s'exprime également dans la poésie lyrique. [...]
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