Les dramaturges du XVIIème siècle se sont beaucoup inspirés des auteurs et théoriciens de l'Antiquité, notamment d'Aristote qui, avec sa Poétique pose les bases de la composition du beau poème dramatique. Pendant de nombreuses années, les principes énoncés par Aristote ont servi de modèle de référence, en particulier pour ce qui est de la tragédie, genre majeur à cette époque. Il faut attendre la publication des Trois Discours sur le poème dramatique de Corneille, en 1660, pour voir ces théories remises en cause et que se développent de nouvelles idées qui vont parfois à l'encontre d'Aristote. Une part importante de cette œuvre théorique est consacrée aux narrations dans la tragédie. Il définit la narration de la manière suivante : il s'agit de « récit d'une action qui s'est déroulée hors scène ou en amont de la tragédie ». Ces narrations, très présentes dans la tragédie classique, ont eu beaucoup de succès auprès du public de cette époque. Polyeucte, tragédie chrétienne de Corneille, en est un exemple frappant.
Notre étude portera sur le rôle que tiennent les événements en dehors de la tragédie
( concept d'Aristote) ou la narration (concept de Corneille) dans Polyeucte.
Tout d'abord, nous verrons que ces narrations ont pour fonction d'assurer la vraisemblance et la nécessité des actions du poème dramatique. Puis nous remarquerons qu'elles répondent à l'exigence d'unité d'action. Enfin nous analyserons leur rôle sur le plan esthétique, c'est à dire comment elles servent la beauté du poème dramatique.
[...] En effet, à travers la narration, le spectateur perçoit le point de vue et l'état d'âme dans lequel se trouve le personnage qui raconte. Le récit est toujours subjectif car il s'agit d'un événement vu à travers les yeux d'un personnage. Si nous prenons l'exemple du bris des autels, nous en avons le récit à deux reprises : une fois par Stratonice, confidente de Pauline et dévouée à la religion romaine, polythéiste et une autre fois par Polyeucte, converti à la religion chrétienne. [...]
[...] Le rappel du passé est indispensable à la cohérence de l'intrigue. Si les narrations sont si importantes dans la tragédie classique, c'est aussi parce qu'elles sont rattachées au respect de la règle des trois unités, un des principes fondamentaux de la tragédie classique dont la fonction essentielle est de faire concourir tous les éléments de la tragédie vers le dénouement, qui constitue la partie la plus importante de la tragédie. Les dramaturges du XVIIème siècle, dont Corneille reste la figure de proue, ne peuvent envisager d'élaborer une intrigue théâtrale sans veiller à lui assurer une unité. [...]
[...] Parmi les principes fondamentaux qui constituent la tragédie classique, la vraisemblance et la nécessité font partie des plus importants. Mais cela constitue un véritable paradoxe, du moins en ce qui concerne la vraisemblance car la tragédie met en scène des personnages importants, de pouvoir, de renommée auxquels il est impossible pour le spectateur de s'identifier. Outre cela, les sujets de tragédie présentent des événements parfois assez horribles tels que des meurtres, des incestes qui pourraient fortement choquer le spectateur du XVIIème siècle s'ils les voyaient représentés sous ses yeux. [...]
[...] Ils anticipent sur l'action à venir et constituent une mise en abyme. Leur caractère sybillin permet que le héros se méprenne sur leur sens. Pauline bouleversée par le cauchemar qu'elle a fait la nuit précédente, le raconte à Stratonice. La partie abymée contient tous les événements importants de la tragédie : le retour de Sévère triomphant, puis la rivalité entre Sévère et Polyeucte, et la mort de Polyeucte perpétrée par Félix Outre leur rôle sur le plan pratique (vraisemblance et nécessité, unité de la tragédie), nous devons aussi les considérer sous un aspect plus esthétique et analyser en quoi elles servent la beauté du poème dramatique. [...]
[...] C'est pourquoi toutes les actions particulières ne peuvent être exposées aux spectateurs. Le dramaturge a alors recours aux narrations. Celles-ci rendent compte du passé des personnages en quelques vers ou bien de certains événements comme le bris des autels qui mettraient trop de temps à être réalisés. Cela permet de raccourcir au maximum et la durée de l'action (même s'il paraît peu vraisemblable qu'il y ait tant événements en un laps de temps aussi court) et la durée de la représentation. [...]
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