Didier Erasme au XVIe siècle et La Fontaine au XVIIe ; Diderot, Voltaire et Rousseau au XVIIIe siècle ; Honoré de Balzac, Victor Hugo et Emile Zola au XIXe ; Louis Aragon au XXe siècle : tous ont cherché par leur écriture à défendre un idéal, dénoncer une injustice ou promouvoir une cause. Bien que fort variés, les textes littéraires se réunissent souvent sous une visée argumentative, contestataire, que l'époque et le milieu définiront pour chaque œuvre. En effet, la littérature apparaît souvent comme un moyen privilégié de soutenir une opinion, par le pouvoir de fascination qu'elle peut avoir sur le lecteur.
Comment les textes littéraires peuvent-ils constituer une arme de contestation si puissante pour l'écrivain ?
La défense de la cause peut être explicite, comme c'est le cas dans les traités ou les essais, mais elle peut aussi revêtir différentes formes plus divertissantes : le texte littéraire, quel qu'il soit, est donc un moyen efficace et sa puissance à défendre une œuvre n'est que relative.
[...] Cependant, certains romans à visée didactique restent ambigus : le but recherché peut en effet être dissimulé sous le récit de fiction. Ainsi avec Manon Lescaut (1731), l'Abbé Prévost qui voulut dénoncer les effets néfastes de la passion et le libertinage amoureux aussi bien que social et moral fut lui-même accusé d'être libertin. Le théâtre (la tribune pour les idées selon Victor Hugo) est lui aussi un puissant vecteur puisqu'il donne à voir et à entendre, impliquant ainsi davantage le lecteur (tirades de Figaro dans Le Mariage de Figaro ou la Folle Journée de Beaumarchais). [...]
[...] Il peut ainsi utiliser différents procédés, afin de forcer le lecteur à réagir : le paradoxe ou les questions rhétoriques qui permettent d'impliquer le lecteur dans le raisonnement. Celui-ci pourra relever d'une logique parfaite, par l'utilisation de syllogismes, fréquents chez Voltaire (en témoigne l'article Torture de son Dictionnaire Philosophique Portatif), afin de souligner la justesse de la démonstration et de l'analyse. L'auteur s'attache de plus bien souvent à varier les arguments afin de donner plus de force à ses idées (argument d'autorité, argument ad personam ) et à mettre en place un va-et-vient permanent entre l'appel à la raison (convaincre) ou aux sentiments (persuader). [...]
[...] Dans Le Pour et le Contre, l'Abbé Prévost expose lui aussi diverses idées traversant le Siècle des Lumières tout comme Montesquieu dans De l'Esprit des Lois : les philosophes des Lumières passent ainsi à la lumière de la raison tout ce qui leur semble injustement prédéfini et inique. En ce sens, certaines de leurs œuvres, traités ou essais, ne seront que le reflet de leur raison : ordre et précision. Cependant, si ces formes d'argumentation ont eu un essor considérable au XVIIIe siècle, elles se rencontrent dès la naissance de la littérature et Ovide, aussi bien qu'Aristote ou Platon usent de l'argumentation dans leurs discours. [...]
[...] Ainsi, ayant la capacité de distraire le lecteur par des épisodes romanesques, des traits d'humour sans nombre, ces récits sont aussi une arme redoutable et un puissant vecteur d'idées pour l'auteur, en témoigne les contes philosophiques de Voltaire : L'ingénu, Candide ou l'Optimisme, Zadig ou la destinée, Micromégas, que le lecteur peut lire à différents niveaux : la galerie de portraits de l'incipit de Candide n'est-elle pas une satire virulente de la médiocrité intellectuelle nobiliaire ? Le parcours initiatique de l'ingénu ne permet-il pas de dénoncer les absurdités d'une cour où règnent hypocrisie, fausseté et mensonge ? Le conte philosophique fut aussi un moyen de défendre l'amitié ou la modestie dans l'Alchimiste de Paul Coelho ou Le Petit Prince de Saint-Exupéry. L'apologue s'apparente aussi à la parabole, à la fable (dont Jean de La Fontaine marque l'apogée en France en reprenant certaines fables gréco-latines de Phèdre ou Esope). [...]
[...] Ainsi, en plus d'échapper à la censure, ce récit distrait le lecteur, ce dernier pouvant appartenir à toutes les catégories de la population. La dénonciation aura une puissance incontestable avec l'utilisation d'une forme imagée, dans la mesure où comparaisons et métaphores seront omniprésentes afin d'activer l'imagination du lecteur. L'image pourra, en outre, être relativement concrète puisque l'apologue est aussi sous forme de tableaux, emblèmes, vitraux (en témoignent ceux de David qui illustrent la vertu républicaine). L'utopie L'implicite nait donc de la capacité de l'auteur à présenter au lecteur un texte que celui-ci pourra comprendre à deux niveaux. [...]
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