Giono a écrit cet ouvrage dans les années 1960, mais a choisi que l'action des récits se situe sous Louis-Philippe, Duc d'Orléans, après les Trois Glorieuses de Juillet 1830, qui mirent fin à la Restauration. La mort est très présente : durant la révolution qui mit fin au règne de Charles X, mais également dans les conflits qui opposaient légitimistes et orléanistes. La mort apparaît dans l'actualité, le quotidien de l'époque, d'autant plus qu'une quinzaine d'années auparavant, la France avait connu les grandes batailles napoléoniennes. Le héros, Langlois, est d'ailleurs un ancien soldat de Napoléon. Giono n'a pas choisi ce contexte par hasard : l'aventure, notamment l'aventure policière, contient toujours un danger, un risque de mort. Dans les récits de la demi-brigade, les morts sont nombreux, et on peut se demander en quoi cette surreprésentation de la mort sert ou dessert l'aventure et le récit. Pour cela, on étudiera la mort selon trois axes : ses occurrences, l'écriture et l'écriture de l'aventure.
[...] (p155) La mort est son seul avenir, et s'il se défend, sur la route, dans "la belle hôtesse", c'est sans doute parce qu'être tué par une bande de misérables brigands ne lui convient pas. Personnage peu commun, il cherche une mort qui lui ressemble, à laquelle il parvient dans Un roi sans divertissement : son suicide est extraordinaire. III. La mort et l'écriture de l'aventure la mort dans l'action, dans l'aventure de la nouvelle La mort ne semble jamais être un frein à l'action. Le seul frein possible, qui marquerait la fin des aventures de Martial serait sa propre mort. [...]
[...] La mort est un spectacle, un jeu de saltimbanques, que l'on regarde se déchirer sans réagir. Elle ne semble pas être prise au sérieux. Martial la considère même comme un moyen d'éviter l'ennui et de retrouver les sensations du duel au sabre : dans "Noël", il dit avoir des démangeaisons dans la poignée de son sabre (p11) et rêver de têtes en train d'éclater sous ses coups (p17). En fait, la plupart des morts passent simplement dans l'histoire, rapidement, car ce qui compte, c'est l'aventure, qui elle, continue avec d'autres personnages. [...]
[...] Le nec plus ultra s'il s'achète au prix de la mort, ils y courent. (p180-181) o Pour sauver qqn d'autre : dans "l'écossais", Pauline de Théus propose de prendre la place de son époux et dit : Je suis ici pour mourir, de vos mains si cela vous plait (p170) o Mais la mort peut être également un travail : notamment pour Martial : j'avais mission de le tuer (p80) 'la mission" o Ce qui est à relier à ce qu'il dit dans "l'écossais"(p180-181) : J'avais sur le cœur la tête écrasée d'un pauvre bougre, payé pour ça. [...]
[...] Son corps n'est pas déchiqueté, sa dignité reste intacte, parce qu'elle est importante pour lui. peur et désir : sa propre mort - Rochefoucauld, dans ses Maximes, a écrit : "le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement." Pourtant, dans Les récits de la demi- brigade, peu de personnages ont peur de la mort ou semblent avoir peur de la mort. Il y a essentiellement les brigands qui attaquent Martial sur la route dans " la belle hôtesse" : le dindon était blanc comme un linge, claquait des dents et sucrait des fraises, quant à la force armée qui était allongée tout à l'heure contre les ridelles avec son fusil, elle s'était tirée de là-dessous, et dépliée en long flandrin sans fusil, pleurait comme un enfant en regardant sa main criblée de plomb, qui saignait goutte à goutte. [...]
[...] (p184) Ce terme d'utile est terrible : il scelle les idéaux et empêche le sacrifice. Il fait disparaître la beauté de la mort, et cette "compréhension" de la mort comme finalité. Jacques Chabot ajoute à la suite de ce que je vous ai déjà lu : "l'écriture elle-même, comme la mort, laisse des traces qui doivent être interprétées". Là, les héros sont morts, et l'interprétation de la mort avec eux: le roman s'achève, car il n'y a plus d'écriture. [...]
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