Dissertation sur les Mondes Imaginaires

Résumé du document

Dissertation de littérature sur les Mondes Imaginaires. Il est vrai, cette rêverie autour des mondes de nulle-part mise en oeuvre dans nos deux romans permet de façonner des modèles culturels et politiques spécifiques venant éclairer les défaillances effectives de leurs propres modèles de référence. A travers eux se pose alors le statut de la fiction : simple moyen de faire passer des idées hétérodoxes et de transposer des débats idéologiques ? Simulacre de divertissement masquant une pensée réformatrice ? En outre, l'utopie s'inscrivant de façon complexe dans le processus global de la satire interroge l'enjeu même du texte : la critique destructrice du texte laisse-t-elle le lecteur face à une terre dévastée ou bien jette-t-elle les bases d'un édifice propre à abriter une société idéale ? Peut-elle finalement prétendre à l'exemplarité ?

Extraits

[...] Cette question vaut en effet aussi bien pour le lecteur devant se forger sa propre opinion à l'égard de la fiction et des discours hétérodoxes. Au delà d'un sens qui serait caché dans le texte, se propage en réalité une multitude de significations dont la narration se fait le relais. Il n'y a véritablement pas dans ces œuvres de théories préalables venant dans un second temps prendre corps dans un monde comme application concrète, sur le modèle du genre utopique tel que l'a conçu More. [...]

[...] Ils crurent que cela leur fournissait un prétexte assez juste pour me faire condamner à l'eau (c'était la façon d'exterminer les athées) Finalement, le narrateur sera contraint dans cet épisode à faire amende honteuse dans laquelle il se dédiera justement publiquement d'avoir enseigné que la Lune était un monde, et ce à cause du scandale que la nouveauté de cette opinion aurait pu causer dans l'âme des faibles Quoi ! Pouvez-vous le contraindre à n'avoir que vos visions ? s'écrit le démon de Socrate pour la défense du narrateur au cours de ce procès. [...]

[...] Les différentes utopies fonctionnent ainsi selon un principe fondamental de relativisme et d'antidogmatisme. La fiction est bien engagée en effet sous l'impulsion du Pourquoi non ? comme elle est lancée au début des Etats et Empires de la Lune après les différentes hypothèses émises sur la nature de l'astre en question. Cette audace transgressive est d'ailleurs caractéristique du libertinisme de Cyrano refusant de laisser sa pensée bridée par toute autorité intellectuelle et toute pression sociale, s'opposant par là même aux fondements de l'absolutisme en place en France. [...]

[...] De même chez Cyrano, l'univers se voit désancré et décentré de la révolution galiléenne : il n'y a plus de centre et donc plus de vérité absolue. Ce déplacement de la structure idéologique de l'utopie est notamment à l'œuvre dans le riche feuilletage énonciatif du texte superposant les logos dans une pluralité dialogique perpétuelle, dans une chaîne philosophique discursive (particulièrement manifeste dans les entretiens successifs de Cyrano avec les habitants des autres mondes). De même, Gulliver se présente comme un véritable pion sur l'échiquier narratif de Swift qui tantôt réduit la distance qui le sépare de lui (premier et troisième voyage), tantôt l'augmente (deuxième voyage), et tantôt enfin laisse planer l'incertitude (quatrième voyage), se faisant ainsi tour à tour porte parole du satiriste et cible de sa critique comme le montre l'ambivalence de sa caractérisation. [...]

[...] Je ne croyais plus que l'honneur de ma race méritait d'être ménagé. D'ailleurs ç'eût été chose impossible, en face d'une personne de jugement aussi pénétrant que mon maître, qui tous les jours me signalait chez moi mille défauts dont je n'avais aucune conscience, et qui parmi nous ne seraient même pas comptés comme de simples imperfections Le Pays des Houyhnhnms dont le nom signifie perfection de la nature illustre ainsi parfaitement ce système utopien d'une plénitude étale ne pouvant se décrire que par l'énumération de ce qu'elle n'est pas, comme notamment le mensonge, mais aussi la nostalgie d'un paradis perdu d'avant la dégradation des hommes. [...]