Le malade imaginaire est la dernière comédie de Molière, comédie ballet donnée pour la première fois au Palais royal en 1673. La représentation s'ouvre donc par le ballet, dans un décor champêtre où bergers, bergères et dieux mythologiques célèbrent la gloire de Louis XIV, de retour de la guerre de Hollande. Ce passage est caractérisé par les successions des entrées de ballet et par un grand nombre de personnages présents sur scène. Or, à l'issue de ce ballet débute la pièce cadre dans un contexte tout différent : « Argan, seul dans sa chambre, assis, une table devant lui, compte des parties d'apothicaire » ; nous entrons alors dans le monde de la comédie de caractère et de ce bourgeois malade, Argan.
On peut remarquer deux mouvements dans ce passage.
Le premier mouvement semble viser les ridicules de la médecine, et le second stigmatiser le caractère de l'hypocondriaque. Mais on s'aperçoit très vite que ces deux mouvements et ces deux objets du comique sont étroitement liés : le verbiage médical sert de caution à l'hypocondrie d'Argan.
[...] Ridicules du verbiage médical Argan nous donne à entendre directement, sans intermédiaire, le discours scientifique de Fleurant. Nous sommes d'emblée frappés par la grandiloquence comique et la suffisance de ce discours, dont la caution scientifique n'empêche pas le ridicule. Rythme ternaire grandiloquent un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur Démarche accumulative marquée par l'excès : répétition de l'adverbe plus et énumérations qui s'achèvent par un équivalent d'etc. et autres Des redondances systématiques qui stigmatisent l'inutilité de la grandiloquence : un bon clystère détersif pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de monsieur un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour faire dormir monsieur Complaisance, suffisance : répétition de l'adjectif bon : un bon clystère détersif une bonne médecine purgative une bonne médecine composée pour hâter d'aller Incongruité de certaines vertus thérapeutiques : adoucir, rafraîchir le sang Possibilités de jeux de mots : une potion anodine c'est-à-dire inoffensive ; mais nous sommes aussi tentés de la comprendre comme une potion insignifiante, sans importance. [...]
[...] Ce qui me plaît, de Monsieur Fleurant mon apothicaire, c'est que ses parties sont toujours fort civiles. "Les entrailles de Monsieur, trente sols". Oui, mais, Monsieur Fleurant, ce n'est pas tout que d'être civil, il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement, je suis votre serviteur, je vous l'ai déjà dit. Vous ne me les avez mis dans les autres parties qu'à vingt sols, et vingt sols en langage d'apothicaire, c'est-à-dire dix sols; les voilà, dix sols. [...]
[...] La peur de la mort qui est révélée tout à la fin du monologue : mon Dieu, ils me laisseront ici mourir Ces peurs sont présentes dans la texture même du monologue d'Argan, par l'enchevêtrement des discours ; le monologue prend alors une dimension polyphonique et devient un véritable dialogue fictif avec monsieur Fleurant. Argan ne supporte pas même la solitude dans son discours ; il se révèle alors véritable metteur en scène dans son propre monologue, d'où une véritable diversité discursive, qui débouche tout naturellement sur l'injonction : allons, qu'on m'ôte tout ceci et la découverte de sa solitude. Argan meuble donc sa solitude et conjure provisoirement sa phobie par une mise en scène où il joue tous les rôles. C. [...]
[...] Le caractère du malade imaginaire (car rappelons que nous sommes bien dans une comédie de caractère). Ces deux enjeux fondamentaux sont liés puisque le discours médical interfère dans la parole d'Argan. C. Affirmation inaugurale du comique On la remarque à plusieurs moments de la scène La dispute fictive d'Argan avec Fleurant sur le prix des traitements. Le comique survient de la systématique réduction des prix qu'opère Argan et de l'ironie des formules de politesse qu'il emploie : avec votre permission mettez trois livres, s'il vous plait ou des réponses à des répliques imaginaires de Fleurant : je suis bien aise que vous soyez raisonnable Le discours rapporté de M. [...]
[...] Enfin, il nous restera à nous intéresser à la richesse et la complexité du personnage du malade imaginaire tel qu'il nous est présenté dans l'ouverture de la pièce cadre. I. Fonction d'exposition de cette scène inaugurale A. Première scène et dynamisme L'entrée en scène se fait in medias res, comme l'indique la lecture de la facture par Argan : nous en sommes au jour et Argan est absorbé par ses calculs, qu'il a déjà commencés avant le lever du rideau. [...]
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