Selon Roland Barthes, le texte n'est qu'un argument pour la scène car le théâtre est avant tout un spectacle complet où différents réseaux de signification entrent en contact simultanément pour amener le spectateur à les déchiffrer. Nul doute que le théâtre nouveau reste profondément marqué par une crise de la représentation que la dramaturgie essaie de gérer par la remise en question des rapports entre le réel et le théâtre, la disqualification de la dramaturgie illusionniste et la recherche d'un nouveau langage théâtral capable de traduire de nouvelles interrogations existentielles et esthétiques.
Aussi faut-il rappeler qu'avec Brecht, cette recherche prend toute sa portée dans l'univers du théâtre, dans la mesure où il s'est fixé pour objectif de modifier l'attitude passive et confortable du spectateur qui, en vertu du mécanisme de l'identification, se libère et se purifie par une fausse catharsis. Brecht vise à activer la perception du spectateur et à éveiller son sens critique en révélant le caractère étrange de ce qui nous est ou nous paraît familier.
Comment Brecht jette-t-il le désordre dans l'enceinte théâtrale et comment déstabilise-t-il la dramaturgie illusionniste ? Pourqoui des techniques de distanciation sont-elles insérées dans l'acte théâtral? Quel est le rôle attribué à la théâtralité dans la dramaturgie moderne ? Pour tenter d'approcher ces questions, nous étudierons tout d'abord la mise en crise du théâtre illusionniste à travers l'entrée de la distanciation puis de la théâtralité pour analyser les transgressions et les hardiesses que le projet esthétique "moderne" sous-tend.
[...] La théâtralité est consubstantielle à toute pièce de théâtre. Même dans les pièces dites réalistes, où il s'agit de pousser au plus loin la ressemblance avec la réalité de l'univers socioéconomique du lecteur, cette théâtralité latente est à l'œuvre. Dès lors, le lecteur peut repérer cette théâtralité latente lorsqu'il s'intéresse aux techniques de simulation : le lieu scénique est démontable, le costume est celui du jeu et non du quotidien, les lumières et les bruits sont faux, le personnage se meut dans un espace-temps radicalement séparé de la sphère de l'existence quotidienne. [...]
[...] Ce théâtre n'a pas besoin de l'illusion, ce rêve apollinien. En fixant une statuaire plastique, le théâtre de la convention imprime dans la mémoire du spectateur des groupements séparés [ . Prenant le contre-pied du réalisme et de la mimèsis, le théâtre ne vise plus à représenter le réel qui serait la garantie d'une vérité sur scène. L'insistance est grande sur l'effet de théâtralisation, sur l'acte d'ostentation porté par l'acteur ; ce dernier montre au spectateur qu'il est au théâtre et désigne le théâtre comme simulacre. [...]
[...] La mise en scène et le jeu renoncent à l'illusion. Ils ne se donnent plus comme une réalité extérieure, mais soulignent au contraire les techniques et les procédés artistiques utilisés, accentuent le caractère joué et artificiel de la représentation. Paradoxalement, l'effet théâtral est banni de la scène illusionniste, car il rappelle au public sa situation de spectateur en surenchérissant sur la théâtralité de la scène III- L'effet de théâtralisation Il va sans dire que la vérité ne réside pas dans les objets et les êtres que nous percevons, comme tend à le prétendre le réalisme bourgeois et même le naturalisme soviétique dans le théâtre de Stanislavski. [...]
[...] Force est de constater que le théâtre naturaliste, soumis lui aussi au principe de l'illusion, met en scène une certaine image des conditions socio-économiques et des relations entre les gens. Cette image, construite en conformité avec les perceptions que se fait telle couche sociale, est à même de s'imposer sans réaction du spectateur Certes, affirme Ubersfeld, la dénégation fonctionne, le spectateur sait parfaitement qu'on ne lui donne pas de ce monde une image vraie mais ce qui lui est proposé par la perception de l'illusion, c'est le modèle d'une certaine attitude devant le monde. [...]
[...] UBERSFELD, A., Lire le théâtre, éd. Belin, Paris p BRECHT, B., L'Acgat du cuivre, éd. l'Arche, Paris p FERAL,J., La théâtralité, Poétique, septembre 1988, p.p PAVIS, P., Dictionnaire du théâtre, éd. Dunod, Paris p MEYEHOLD,V., Ecrits sur le théâtre, Lausanne, l'Âge d'homme p.p. [...]
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