Le misanthrope, Molière, Morales du grand siècle, Paul Bénichou, comédie, théâtre, Ecole des femmes, Tartuffe, Hypocrite, théâtre du conformisme
Paul Bénichou, dans son livre Morales du grand siècle (Folio, 1948), montre de quelle manière les pièces de Molière se conformaient parfaitement aux goûts et aux valeurs du XVIIe siècle ; le public a donc une influence sur la production et la réception de toutes formes littéraires. Pour appuyer sa vision, Paul Bénichou rajoute qu'"Un auteur comique suit le courant général du public pour lequel il écrit ; il prolonge et incarne dans les actions qu'il met à la scène les pensées de tout le monde (...) Molière ne peut pas être un "penseur", dans la mesure où il ne saurait être vraiment un partisan ; et l'on bâtira toujours sur le vide en prétendant expliquer comme des déclarations de guerre ce qui ne veut être que la traduction, dans le langage souvent irresponsable du rire, des jugements déjà formés de ses auditeurs".
[...] L'un, misanthrope, hait tous les hommes et l'autre, médisante, les dénigre tout autant. Pourtant, leur duo est totalement incompatible en ce qu'Alceste fuit cette hypocrisie des salons tandis que Célimène ne vit qu'à travers cette superficialité mondaine. Ainsi, à la différence des autres œuvres de Molière, on n'a pas simplement à faire au duo du raisonneur et de l'extrémiste, mais davantage à un trio ; au couple Alceste et Philinte s'ajoute le personnage de Célimène qui rajoute au Misanthrope toute sa complexité et son authenticité. [...]
[...] Le misanthrope, Molière (1666) – D'après "Morales du grand siècle", Paul Bénichou (1948) Paul Bénichou, dans son livre Morales du grand siècle (Folio, 1948), montre de quelle manière les pièces de Molière se conformaient parfaitement aux goûts et aux valeurs du XVIIe siècle ; le public a donc une influence sur la production et la réception de toutes formes littéraires. Pour appuyer sa vision, Paul Bénichou rajoute qu'« Un auteur comique suit le courant général du public pour lequel il écrit ; il prolonge et incarne dans les actions qu'il met à la scène les pensées de tout le monde ( ) Molière ne peut pas être un “ 'penseur ”', dans la mesure où il ne saurait être vraiment un partisan ; et l'on bâtira toujours sur le vide en prétendant expliquer comme des déclarations de guerre ce qui ne veut être que la traduction, dans le langage souvent irresponsable du rire, des jugements déjà formés de ses auditeurs ». [...]
[...] En effet d'Alceste, qui aurait normalement dû être le personnage moqué, ne suscite ni le rire ni la moquerie. Même s'il peut se montrer extrême, il incarne tout de même une certaine idée de la morale, plutôt vertueuse. Il s'assimile presque, de manière anachronique, à un idéaliste. Il voit les vices de tous les hommes et aimerait, idéalement, qu'ils s'en débarrassent : « Je vais n'épargner personne sur ce point. / Mes yeux sont trop blessés, et la cour et la ville/ Ne m'offrent rien qu'objets à m'échauffer la bile : / J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond,/ Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils le font. [...]
[...] La pièce se terminant avant, on ne sait pas si Alceste décide vraiment de s'isoler du reste des hommes ou non. De plus l'attitude résignée, voire tragique, d'Alceste, tranche avec le supposé dénouement heureux de la comédie. D'autant plus qu'Alceste, personnage principal, aurait dû se marier avec sa prétendante. Comme dans de nombreuses fins comiques, le dénouement se serait soldé par un coup de théâtre, renversant la situation, puis par le mariage des deux protagonistes principaux. Or, ici, Célimène et Alceste ne terminent pas la pièce ensemble. [...]
[...] Cette perversion morale l'indigne et fait écho à son caractère principal : « m'échauffer la bile » et « humeur noire » sont des échos directs à son humeur atrabilaire. Ainsi Alceste défend une cause juste et morale, même s'il le fait de manière tonitruante. Mais pour cause le public ne sait plus s'il doit rire ou être d'accord avec Alceste, si sa parole est tout aussi juste, voire plus juste, que celle de Philinte. Plus spécifiquement, le dénouement du Misanthrope est lui aussi tout sauf conformiste. Censée résoudre les problèmes et clôturer l'intrigue, la fin du Misanthrope prend le contre-pied de cette démarche. [...]
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