Miracle de la rose, Jean Genet 1946, inversion des valeurs, paradoxes, curiosité, indignation, quête de sainteté, esthétique du scandale, moralité, Fontevrault, environnement carcéral, Harcamone, métaphore, parodie, commentaire de texte
Miracle de la rose est une œuvre "sens dessus-dessous" : les procédés d'inversion des valeurs ainsi que les paradoxes y fleurissent. L'auteur suscite chez le lecteur, par la forme comme par le fond de son récit, la curiosité et l'indignation qu'il recherche. Comment le narrateur Genet, par le biais de ces procédés, parvient-il à dépeindre la prison comme une contre-société mue par le double revers d'une quête de sainteté dans le mal et du mal en tant qu'il permet l'accès à celle-ci ?
[...] Ainsi, plus encore qu'une société indépendante, la prison se trouve être présentée de façon analogue aux enfers et ses protagonistes semblent condamnés à la damnation. De fait, le terme « enfer » désignait initialement les limbes, lieux dans lesquelles les âmes des morts avant l'avènement du Christ erraient en attendant la rédemption et subissaient des châtiments purificateurs proportionnels à l'importance de leurs fautes. Comment ne pas assimiler les conditions carcérales, à la lumière de cette définition originelle, à celles des enfers ? Le caractère clôt de la prison et l'enfermement irrémédiable des détenus se trouve être également en lien le nom d'« Hadès », le dieu qui règne sous la terre et dont l'une des épithètes, « Pylartes » signifie « aux portes solidement closes ». [...]
[...] D'autre part, la prison semble dotée d'une temporalité qui lui est propre, ou plutôt d'une atemporalité qui la caractérise : on trouve en effet dans l'œuvre et dans l'extrait une pluralité de temps de conjugaison ainsi que de marqueurs temporels dénués de référents quelconques. C'est pourquoi il est impossible de se situer précisément dans le temps, la temporalité ne s'assujettit pas à un temps objectif ; ainsi la prison semble ne pas vivre sur un calendrier chrétien, mais plutôt sur celui d'Harcamone, dont l'an zéro représente le moment de sa mise aux fers. [...]
[...] Le miracle à l'œuvre dans Miracle de la rose est avant tout celui de l'amour ; en effet, les liens qui condamnent les détenus à la prison les attachent également entre eux. Ainsi, le narrateur Genet s'aventure tout entier dans un univers fantasmatique peuplé des prisonniers qu'il côtoie et aime, qui sont tous trois cités dans notre extrait : Harcamone, Bulkaen et Divers. Ces sentiments entre les protagonistes du roman détonent avec la dimension crue des propos et la dimension scandaleuse du passage étudié et de l'œuvre entière ; car, c'est bien d'amour qu'il s'agit. [...]
[...] Car, c'est bien l'idée de la beauté dans la destruction qu'il illustre par cet acte ; mais loin de s'arrêter là Genet, mais ceux qui condamnent de telles atrocités à la place du « barbare souriant » qui, selon lui, n'est pas cela qui détruit, mais celui qui ne comprend pas la notion de beauté dans la destruction. N'hésitant pas à le mettre en tort, et ce malgré la dimension profondément contestable de ses propos, l'auteur semble prendre un malin plaisir à ébranler la morale de son lecteur. Ainsi, par un mécanisme d'inversion poussé jusqu'à la parodie et meut par le scandale, il semble que l'on assiste à la création Genetienne d'une véritable contre-société. [...]
[...] On trouve, au sein de cette organisation, une hiérarchie stricte qui est contraire à celle des sociétés extérieures à l'univers carcéral ; en effet, ce sont les crimes qui sont cause de rejet dans la société, sont ici honorifiques et confèrent à leurs auteurs, selon la gravité de l'acte, un certain « rang ». Ainsi, l'idole Harcamone se place au-dessus des autres détenus par le double meurtre qu'il a commis. De fait, la prison réunit les individus que la société rejette, et recréer par cette réunion des normes « anormales », bases d'une organisation inversée et propre à la contre-société carcérale. [...]
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