Michel Deguy est né en 1930 en région parisienne. Il a été professeur en khâgne, puis à l'université de Paris 8. Il est agrégé de philosophie et fut président du Collège international de philosophie. Il est rédacteur en chef de la revue po&sie.
Pour bien des contemporains, Michel Deguy paraît, sinon illisible, en tous cas d'une lecture extrêmement difficile, exigeante. Peut-être est-ce le fait de sa volonté de ne jamais séparer – et l'on verra que cette absence de séparation est en réalité une active jointure – de ne jamais séparer la poésie de la pensée, qu'elle soit pensée poétique, pensée philosophique, ou pensée éthique. En effet, c'est toujours le logos qui est en jeu, à savoir notre faculté d'être à la fois pensant et parlant, l'un par l'autre.
La poésie se voit donc chargée de rapatrier en elle ce qui avait été souvent jusque là relégué à ses marges : la pensée théorique. La poésie est un acte de pensée. La poésie se doit de ne jamais oublier sa vocation pensante.
L'inquiétude de Michel Deguy est donc la pensivité du poème. À savoir : comment pense le poème, c'est-à-dire par quels moyens, et en vue de quoi il pense, vers quoi la pensivité du poème s'oriente.
Finalement, il s'agit encore une fois de répondre à la question : à quoi sert la poésie. Mais cette fois sous le signe de sa pensivité.
Et nous verrons que Deguy donne à la poésie un rôle extraordinairement important, enveloppant et général. La poésie est ce qui permet de mieux vivre. Plus que jamais, la poésie se voit donc investie d'une vocation gnomique.
On se croirait en face d'une banalité. Mais c'est que le poème met en branle, en plus d'une émotion esthétique, une réflexion sur la poétique qui le régit, et une méditation sur l'éthique qu'elle implique. Et ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que poésie, poétique et éthique se mêlent et s'entremêlent dans le poème, non à la façon d'un mélange ou d'une soupe, mais d'une active coopération. On peut même dire que chacune de ces trois entités – poésie, poétique, ou éthique – procède des deux autres.
À ce stade de la présentation, une lecture d'un texte emblématique s'impose.
« Sibyllaires » (de « je te cherche » à « morte eau du crâne ».)
Ce poème est le premier du livre Gisants, publié en 1985 chez Gallimard. Il est repris du recueil précédant : Donnant Donnant. Il donne à penser cette active coopération, implication, de l'éthique et de la poétique dans la poésie, que nous expliciterons par la suite.
La poésie de Michel Deguy se montre avant tout soucieuse de ce dans quoi elle a à s'insérer : une langue, une tradition poétique, un monde et les sociétés dans lesquelles vivent les hommes qui le peuplent et doivent l'habiter.
Ce souci d'insertion de la poésie dans le monde en son sens le plus large s'exprime avant tout à travers un des motifs forts qui régissent la poésie de Michel Deguy : La profanation.
Cette profanation peut être considérée comme l'étape préliminaire – même s'il n'y a aucun ordre à tout cela, même si tout se passe en même temps – de la principale tâche que se donne la poésie, à savoir le rapprochement.
Ce qui suscite le rapprochement, enfin, c'est le constat de l'écart, de l'altérité rencontrée en chaque chose. L'évidence de l'altérité suscite un désir de figuration. Le rapport à l'altérité pourra alors se définir comme étant celui de l'amour.
[...] L'évidence de l'altérité suscite un désir de figuration. Le rapport à l'altérité pourra alors se définir comme étant celui de l'amour. I. La profanation La question qui se pose aujourd'hui pour la poésie, mais pas seulement la poésie, est : où aller ? Dans L'Énergie du désespoir, Deguy répond : là où nous n'avons jamais été (ensemble). Et il ajoute qu'il s'agit pour nous, athées raisonnables de rapatrier les oxymores divins, ici- bas. Revenons un peu en arrière, pour comprendre ce dont il s'agit. [...]
[...] (Gisants, Poésie Gallimard p 77) Bibliographie Anthologies des recueils de Michel Deguy - Poèmes I : 1960-1970, Poésie / Gallimard - Poème II : 1970-1980, Poésie / Gallimard - Poèmes III : 1980-1995, Poésie / Gallimard Ouvrages critiques sur l'œuvre de Michel Deguy - Pascal Quignard, Michel Deguy, Seghers - Max Loreau, Michel Deguy, la poursuite de la poésie tout entière, Gallimard - Thèse de Nadia Saleh (Etats-Unis), Le poème en prose dans la poésie française depuis 1945, essai d'analyse structurale, UMI Dissertation-Information-Service : un chapitre est consacré à l'œuvre de Michel Deguy jusqu'en 1980 environ. - Michael Bishop, Michel Deguy, Rodopi (La conclusion du livre traite de Gisants. Elle s'intitule : Gisants, conclusion provisoire (pp. [...]
[...] ] et une absence qui ne peut qu'être pensée. Entre le souvenir réduit à l'impuissance et la parfaite, l'amoureuse adhésion au présent, et la mémoire qui surgit précisément à cause de cette impuissance : c'est cet intime déchirement qui constitue la dictée du poème. Ensuite, ce que doit faire le poème : ACQFP Enfin, ce que doit être sa constante inquiétude : ACQFP Peut-être enfin ce dernier passage, extrait des Poèmes de la presqu'île : Le poème aussi prompt que le pur amour trahi qui se tord les mains, poème qu rêve tout poème, et qui distance pour cent ans la chasse poursuite des cerveaux I.B.M. [...]
[...] L'art, tout au long des siècles chrétiens, a été une profanation de la révélation. Au niveau poétique, il suffit de se pencher sur les poèmes de Baudelaire pour sentir comment la profanation a pu avoir lieu, et de façon autrement plus forte que la représentation érotique d'une Madone. Aujourd'hui, donc, la profanation est faite. À tel point peut-être que le sacré disparaît au profit du profane. Qu'avons-nous à faire de cela ? Après avoir fait de la profanation avec de la révélation, dit Michel Deguy, il est question pour nous de faire de la révélation d'un autre style, avec de la profanation : La poésie, héritière de la profanation, retourne celle-ci en révélation de la profondeur écrit-il dans l'Énergie du désespoir. [...]
[...] Il se confond donc avec l'élan poétique, qui est élan de figuration. Le langage du désir attrape le désiré par le comme Cette formule tirée du livre la poésie n'est pas seule, insiste sur la puissance figurante du désir. C'est le désir qui crée les figures, qui saisit son objet par son acte de figuration, qui est le rapprochement par la comparaison. On peut dès lors parler d'une pulsion comparative dont l'enjeu ressemble à la conception deleuzienne du désir : Désirer, c'est construire un ensemble, un agencement, une région et le désir coule toujours dans un agencement explique Deuleuze dans son abécédaire. [...]
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