Il est souvent intéressant de se pencher sur la correspondance des écrivains, parfois parce qu'ils y commentent leurs ouvrages pour des intimes et nous donnent à voir en partie la genèse de l'œuvre, souvent parce qu'ils s'y révèlent dans leur intimité, plus ou moins conforme à la réalité.
A cet égard, nous disposons de quatre lettres de Flaubert écrites à Croisset, sa résidence habituelle en bord de Seine, dont le rapprochement ne manque pas d'intérêt : deux écrites le 15 juillet 1853, la première à Victor Hugo, la seconde à Louise Colet, sa maîtresse, et deux en date du 8 octobre 1859, l'une à Mademoiselle Leroyer, une de ses admiratrices devenue au fil des ans sa confidente, l'autre à Jeanne de Tourbey, célèbre pour ses relations mondaines et amoureuses.
Rapprochement d'autant plus intéressant que dans la lettre à Louise, il commente celle qu'il écrivit le même jour à Hugo. Quant aux lettres à Mademoiselle Leroyer et à Jeanne, on peut se demander si Flaubert use du même ton avec une amie qui l'admire et avec une femme plutôt légère. D'où la question : Flaubert construit-il sa propre image en la diversifiant selon le destinataire afin de plaire ? Nous abordons ici, implicitement, le domaine de l'argumentation. Mais on pourrait alors se demander quel est le vrai Flaubert.
[...] Dans quelle mesure l'art épistolaire permet-il une construction de l'image de soi, à la fois adaptée au destinataire et choisie par l'épistolier ? (Bac EAF, 2004) Corpus Flaubert, Lettre à Victor Hugo, Croisset juillet 1853 Flaubert, Lettre à Louise Colet, Croisset juillet 1853 Flaubert, Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, Croisset octobre 1859 Flaubert, Lettre à Jeanne de Tourbey, Croisset octobre 1859 Il est souvent intéressant de se pencher sur la correspondance des écrivains, parfois parce qu'ils y commentent leurs ouvrages pour des intimes et nous donnent à voir en partie la genèse de l'œuvre, souvent parce qu'ils s'y révèlent dans leur intimité, plus ou moins conforme à la réalité. [...]
[...] Mais dans un deuxième temps, Flaubert réagit et lui donne des conseils de bon sens, voire des ordres, puisqu'il utilise le forme injonctive : "venez", "prenez" "faites". Ce faisant, il la flatte : "Le spectacle de la gaieté rend heureux quand on a le cœur bon". Il établit ensuite un parallèle entre eux deux : elle était malheureuse mais lui aussi était souffrant, physiquement et nerveusement. Il effleure l'origine de ses tracas - n'entrant pas dans les détails ancillaires - et s'il fait allusion à son travail actuel, il reste également en surface, évoquant seulement "un gros livre" et le nombre de chapitres. [...]
[...] Ce texte laudatif est un modèle du genre : modestie du scripteur, admiration pour le destinataire, tant pour son œuvre que pour son parti pris politique, images hyperboliques, allusion à une culture commune. Une question se pose : Flaubert est-il entièrement sincère ? La réponse nous est donnée en partie dans la lettre qu'il écrit le même jour à sa maîtresse Louise Colet dont nous disposons d'un court extrait. Le naturel de Flaubert reprend ses droits : il appelle Hugo d'un surnom pour le moins dépréciatif, le "Grand Crocodile" et avoue que sa lettre est "monumentale" ; sans doute exprime-t-il ainsi son désir d'avoir voulu dresser au grand Hugo un véritable monument dévolu à sa gloire. [...]
[...] Le voilà donc tel qu'en lui-même, un homme comme les autres, qui se livre entièrement et avec confiance à la personne qu'il aime. La lettre suivante, écrite à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, admiratrice et confidente, révèle une autre facette de la personnalité de Flaubert et de son art épistolaire. Il vouvoie cette noble demoiselle et commence par s'excuser de son long silence - nous sommes le 8 octobre et il répond à une lettre du 23 juin - en mettant en avant les obligations de son œuvre et sa fatigue. [...]
[...] On trouve ici un parallèle avec ses propos tenus à Hugo, mais selon un niveau de langue plus simple et surtout plus retenu. Suit un paragraphe sur la religion et le clergé italien auquel Flaubert reproche de s'allier aux puissants. Il est intéressant de constater la liberté de ton de Flaubert, ainsi que sa manière de passer du coq à l'âne, sans transition rhétorique : conversation à bâtons rompues que cette lettre, écrite sans plan préconçu, au fil de la plume. [...]
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