D'après son essai "L'enseignement de la littérature", Lescault attribue à la littérature une richesse de sens puisque ses « message[s] » ne sont jamais « univoque[s] » et qu'elle recourt aux « ruses » et aux « déplacements » pour justement créer des « équivoques » et des incertitudes quant aux sens qu'elle porte en elle. Elle est donc multiple et repose sur une richesse de sens presque inépuisables. Dans cette mesure, l'enseignement littéraire devra donc pour Lescault « enseigner à accepter ces ruses ». L'enseignement littéraire doit expliquer la nature multiple des significations que portent les œuvres littéraires. A cette notion générale de « littérature » (puisqu'elle englobe les œuvres théâtrales, romanesques, poétiques…) Lescault y oppose la « culture » qui pour lui, « vise à constituer un savoir précis » qui se révèle être « un masque vis-à-vis de notre propre angoisse, vis-à-vis aussi de la possibilité de changements. » Ainsi, la culture serait un enseignement figé, précis, rétréci, alors que la littérature serait ouverture et découverte perpétuelle. A cette quête littéraire inachevable, il oppose la fixité de la culture qui par sa stabilité rassure ceux qui la possèdent et leur procure un « masque » face aux autres et face « au changement ». Pour Lescault, la « connaissance certaine » n'est pas bénéfique, puisqu'elle tend à enfermer et à éteindre toute recherche. C'est pour cela que Lescault trouve « utile » que « le texte apparaisse comme ce qui n'est jamais sûr » comme une connaissance qui ne peut être certaine que « dans la mesure où elle se dit nettement partielle ». C'est-à-dire que toute connaissance d'un texte ne touchera en fait qu'un aspect de ce texte, en en laissant d'autres inexplorés.
Cette ‘instabilité' et cette impossible connaissance totale propre à la littérature permettraient alors de créer « une sorte de décloisonnement. » Ainsi, la pluralité du sens des textes littéraires permettrait, à l'inverse de la culture d'ouvrir l'esprit, la vision des choses et de briser certains modes de lecture trop restrictifs. Face à cette proposition d'enseignement littéraire et à cette conception des œuvres littéraires, nous pouvons nous demander en quoi cette méthode pourrait permettre un décloisonnement, une ouverture de la vision du lecteur, contrairement à la culture qui enfermerait l'esprit dans des connaissances figées. Comment la littérature peut-elle être enseignée si les sens sont multiples et incertains ?
[...] Enfin, la lecture de poèmes dits hermétiques offre également au lecteur la possibilité d'y inscrire sa vision et son interprétation. Dans le sonnet en yx, de Mallarmé, Ses purs ongles très hauts chacun peut y lire ce qu'il désire puisque même le poète semble reconnaitre qu'il ne lui a peut-être pas donné de sens véritable ! Il semble donc qu'en poésie, une connaissance certaine du poème et de sa signification soit quasiment impossible à construire. La littérature serait donc quelque chose d'aléatoire, d'instable et semblerait selon Lescault s'opposer à la culture puisqu'étant la connaissance de savoirs précis Mais cette instabilité n'est pas à prendre dans un sens négatif mais au contraire positif. [...]
[...] Cervantes ne cache pas sa parodie des romans de chevalerie dans Don Quichotte et Voltaire celle des romans picaresques et des contes dans Candide. Ces parodies ouvrent alors des lectures plurielles. Le lecteur peut les lire à un premier niveau, simple, où il ne cherche pas à comprendre les messages de l'œuvre, il lit seulement un conte, un roman. Mais c'est là que l'enseignement littéraire intervenant et enseign[ant] [ces] ruses permet de faire accéder l'élève-lecteur à un second niveau de lecture, qui lui révélera les véritables intentions de l'auteur et la valeur de ces procédés d'écriture. [...]
[...] Comment la littérature peut-elle être enseignée si les sens sont multiples et incertains ? Afin de répondre à ces interrogations, il s'agira de voir tout d'abord que les textes littéraires peuvent être riches de sens, demandant au lecteur son entière participation. Ensuite, nous poserons les limites de la conception de Lescault en essayant de montrer que la littérature ne propose pas une lecture de ses œuvres totalement libre et qu'elle peut être elle aussi un savoir précis Enfin, nous nous proposerons d'expliquer en quoi la littérature peut être un décloisonnement tout en étant connaissance précise mais ouverte à différents sens. [...]
[...] Ainsi, la culture, qu'elle soit littéraire, artistique, musicale ne semble pas être figée, comme paraissait l'affirmer Lescault, ni composée uniquement de savoirs précis puisque ceux-ci peuvent être enrichis et se voir modifiés lorsque des découvertes sont faites dans ces domaines. De plus, la littérature n'apparait pas comme étant une connaissance partielle qui ne peut jamais être sûre. Il y a différentes méthodes critiques pour approcher et essayer de comprendre une œuvre, qu'elle soit poétique théâtrale ou romanesque. Et, même si ses différentes lectures ne rendent compte que d'un aspect particulier, mise à côté d'autres méthodes et d'autres visions, cela permettrait de dégager les sens possibles d'une œuvre. [...]
[...] La littérature serait donc une connaissance instable et non certaine, à l'inverse de la culture qui se composerait de savoirs indéniables. L'enseignement littéraire serait donc ce qui doit faire comprendre à l'élève-lecteur cette pluralité de sens du texte littéraire tout en lui donnant les moyens pour les approcher et essayer d'en percevoir les messages Ainsi, la littérature paraît reposer sur une certaine richesse de significations, cependant, il est un peu trop excessif de dire que le texte est ce qui n'a jamais de connaissance certaine. [...]
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