Le Romantisme accorde beaucoup d'importance à la nature ; image de l'âme, elle reflète les sentiments qui l'agitent. En littérature comme en peinture, le romantisme a souvent donné naissance à des représentations de paysages torturés, projections du désespoir du romantique. Dans son autobiographie, Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand, met en scène sa venue au monde au milieu du déchaînement de la nature. Cet extrait est donc à la fois une évocation fondée sur des éléments autobiographiques et une représentation symbolique du mal de vivre de son auteur.
[...] En effet, Chateaubriand présente le récit de sa naissance comme étant à l'image de sa vie. Il associe le terme de malheur à sa vie tout comme il associe le terme de tristesse au paysage qui le voit naître. Sa destinée et le cadre où elle a débuté sont en osmose. De plus, l'extrait s'achève sur un commentaire de l'auteur adulte, sur un ton très emphatique : le Ciel sembla réunir ces circonstances pour placer dans mon berceau, une image de mes destinées. [...]
[...] La naissance de Chateaubriand, telle qu'il la met en scène, porte déjà en elle les annonces de la mort et du malheur. Elle mêle les idées de début et de fin : j'étais presque mort quand je vins au jour Cette antithèse entre la naissance, début de la vie, et la mort, fin de la vie, montre clairement la présence de la mort au cœur même de la naissance. Cette naissance qui se déroule d'ailleurs face à un paysage de fin du monde. [...]
[...] Il doit se battre dés sa première heure pour vivre comme si, déjà, la vie ne voulait pas de lui. Lutte pour vivre mais aussi lutte contre la nature : le mugissement des vagues . empêchait d'entendre mes cris La personnification des mugissements donne l'impression que c'est à dessein qu'ils tentent de couvrir les vagissements du nouveau-né. La vie apparaît alors comme une lutte bruyante entre l'homme et la nature. Cependant, on peut aussi comprendre que l'enfant, dés sa naissance, refuse de vivre, comme s'il pressentait que sa vie continuerait d'être une épreuve. [...]
[...] Les sources du souvenir ainsi que le travail de la mémoire sont clairement mis en scène et le récit semble fondé sur la réalité. Cependant, cet extrait est avant tout l'occasion pour Chateaubriand de mettre en scène sa naissance, de la réécrire en fonction de la vie qu'il a menée. Le récit n'est donc pas ici objectif mais mis en scène : il n'a que les apparences de l'autobiographie. Cette naissance se présente donc avant tout comme un symbole, une scène à déchiffrer : la naissance du héros romantique. Chateaubriand rêve sa naissance plus qu'il ne la raconte. [...]
[...] Idée grandiloquente pour narrer une naissance : il semble qu'elle ait marqué à jamais la vie de l'auteur et qu'elle soit sans cesse présente à son esprit. En d'autres termes, cela indiquerait que le simple fait de vivre est, pour l'auteur, source d'obsession et de questions. De plus, le rythme de cet extrait renforce cette emphase ; les phrases sont longues et le lecteur peut relever une énumération : je revoie en pensée le rocher . la chambre . la tempête . [...]
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