Mémoires d'une fille rangée, Simone de Beauvoir, femmes, société, féminisme, éducation moraliste, société bourgeoise, conservatisme, antiféminisme
La place des femmes dans notre société est un débat très ancien dont Olympe de Gouges en en l'une des mères instigatrices. Héritage de la révolution française, le féminisme prend toute sa dimension dans nos sociétés contemporaines. Simone de Beauvoir est une des nombreuses héritières de ce combat institué dès la révolution française. Née en 1908 au sein d'une famille bourgeoise aux principes moraux institués, elle grandit et se prédestine à une vie de parfaite bourgeoise. Forte d'un caractère spécifique et paradoxalement émancipée par cette éducation, son destin sera tout autre. Elle choisit la voie de l'enseignement, puis de l'écriture et de la philosophie. Elle participe aux mouvements existentialistes des années 1950 et se lie d'un amour particulier avec Jean-Paul Sartre. Elle publie en 1958, âgée de 50 ans, Mémoires d'une jeune fille rangée, un récit autobiographique de ses 20 premières années, dont nous avons ici un extrait. Elle y raconte sa vie, mais aussi le portrait de son père, l'incarnation de la bourgeoisie et des valeurs morales qui s'y rapportent. Nous sommes alors dans le contexte d'une France de la Troisième République qui balance entre archaïsme et modernité, ou la bourgeoisie déchue et ruinée par la guerre tente d'exister. C'est aussi un retour sur l'éducation du début du siècle, dont les principes ont peu évolué jusque dans les années 1950. Enfin, le texte offre aussi une dimension de réflexion sur la place des femmes dans la société bourgeoise de cette période. En quoi le texte de Simone de Beauvoir est-il un document historique à part entière, soulevant des problématiques de son époque et d'une classe sociale particulière ? Nous étudierons d'abord ce texte comme le reflet d'une éducation moraliste et fondée sur le principe d'autorité puis le fait que ce texte est un retour sur la société bourgeoise de la France de la 3ème république.
[...] On insiste aussi sur l'image d'une France de petits producteurs manuels, artisans et paysans, idéalisant l'ouvrage fait à la main et le petit atelier. L'usine et la production industrielle ne sont que rarement présentes dans les livres d'école. Les illustrations du "Tour de France par deux enfants" utilisées jusque dans les années 1950 en sont un bon exemple. La volonté d'unité républicaine est également exprimée dans l'adoption de la Marianne comme image de la République et symbole de la patrie. [...]
[...] Cet examen du texte nous a permis de montrer quels problèmes de la troisième république soulevait-il au sein de la bourgeoisie. Nous avons d'abord vu que ce texte était le reflet d'une éducation moraliste, imprégnée par des valeurs conformistes et christianisées d'une part et par des principes moraux empreints de patriotisme voire de nationalisme d'autre part. Nous avons aussi montré comment était symbolisé à travers la figure du père, une société bourgeoise déclassée par la Grande Guerre mais aussi l'émergence d'un certain antiféminisme propre à cette période. [...]
[...] Finalement, c'est paradoxalement son éducation moraliste et bourgeoise qui a fait de Simone de Beauvoir un professeur, écrivaine et philosophe de renom. Le déni de sa condition bourgeoise et des principes qui vont avec à renforcé semble t-il un certain désir d'émancipation puisqu'après être entrée au lycée et avoir obtenu son baccalauréat, elle fut la plus jeune agrégée de France et explora ce monde « libre » qui s'offrait à elle. Il ne fait nul doute que la portée du texte fut grande à court terme puisque l'œuvre sort en 1958, alors que le féminisme émerge peu à peu pour éclater dans les années 1970, mais aussi à long terme puisque ce texte est une référence encore à l'heure actuelle. [...]
[...] D'ailleurs ils ne préparaient pas au baccalauréat, comme pour signifier aux femmes de l'époque que leur place était ailleurs. Simone de Beauvoir évoque cette conception dans le texte : « Dans mon milieu, on trouvait alors incongru qu'une jeune fille fît des études poussées ; prendre un métier c'était déchoir » l. 1-2. De plus, cette éducation semble encore empreinte des valeurs morales d'après 1870, teintées de patriotisme. Une conception conservatiste et nationaliste L'éducation d'une manière générale se conçoit à l'époque comme conservatrice et nationaliste. [...]
[...] Les écoles de la république se dotent alors d'un symbole bien concret, à la manière des écoles religieuses et de leurs crucifix. II/ Un retour sur la société bourgeoise de la France de la 3ème république Le symbole d'une société bourgeoise déclassée Cette notion émergente après la première guerre mondiale apparaît clairement dans le texte lorsque Simone de Beauvoir évoque les ravages de la guerre sur la bourgeoisie : « La guerre avait passé et l'avait ruiné, balayant ses rêves, ses mythes, ses justifications, ses espoirs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture