Dans Médée, Euripide reprend le fameux mythe. Cette tragédie de la vengeance a été représentée par Euripide pour la première fois en – 431 et n'a pas eu un grand succès. Le passage à étudier se situe au quatrième épisode. Médée, dans sa grande douleur, vient tout juste de trouver un moyen de se venger de Jason. Dans notre extrait sont présents Jason, Médée, le Chœur et les enfants qui arrivent un peu après. Médée fait semblant d'accepter les décisions de Jason, ce qui lui permettra de porter par le biais de ses enfants les vêtements empoisonnés à la princesse. Cet épisode est un jalon essentiel dans la pièce étant donné que c'est à ce moment-là que l'engrenage tragique se met en marche. Il n'est alors plus possible de faire marche arrière et l'on ne peut qu'attendre avec crainte la catastrophe finale. Ce passage se découpe en trois temps dont le premier, qui va jusqu'à la page 126, présente le faux pardon de Médée. Dans le second mouvement qui va jusqu'à la page 129, Médée met en place l'apport des présents à la princesse. Le troisième mouvement contient la réplique du Chœur qui explique de façon claire ce qui va arriver. Cette scène devient alors profondément tragique et procure au spectateur un grand plaisir puisque le spectateur grec était fasciné par la représentation de l'horreur et des interdits au théâtre. Nous verrons dans un premier temps que le plaisir du spectateur réside dans les diverses émotions que suscitent chez lui les différents personnages. Puis nous mettrons en évidence le plaisir qu'a le spectateur de voir comment se traduit la perversité de Médée. Enfin, nous observerons qu'à travers ce passage, le spectateur ressent du plaisir dans la mesure où il en sait plus que Jason et les enfants qui sont présents sur scène.
[...] Le spectateur prend donc du plaisir à voir le mal s'accomplir implicitement et à voir Médée se préparer à faire souffrir son époux. Ce plaisir va s'intensifier par le fait que le spectateur sait ce que Jason et les enfants ignorent. L'un des grands plaisirs du spectateur qui voit cette scène réside dans le fait qu'il en sait plus que Jason et les enfants sur ce que manigance Médée. Ainsi, de nombreux indices sur la catastrophe finale jalonnent le texte. [...]
[...] De plus, il y a une opposition entre l'adverbe alors et à présent qui est mise en évidence par la conjonction mais Par cette phrase, Médée tente de montrer à Jason que la crise de jalousie qu'elle a eue lors de leur dernière confrontation n'avait pas lieu d'être et qu'elle s'est maintenant adaptée à la situation, ce qui est souligné par l'adverbe d'affirmation oui Médée tente également de retrouver la confiance de son mari en feignant d'être une femme attentionnée. Elle propose son aide tout naturellement puisqu'elle souhaite l'« aider dans cette entreprise (page 127). Elle propose alors d'envoyer des présents à la fille de Créon afin que les enfants ne soient pas bannis. Elle cache ainsi ses véritables intentions sous le masque de la femme attentionnée et ce qui devrait être ressenti par Jason comme un véritable danger n'est perçu que comme une forme de pardon. [...]
[...] Le spectateur s'identifie alors à Médée qui a des sentiments humains et il éprouve une grande pitié. Bien que poussée par un fort désir de vengeance, Médée n'en reste pas moins une mère sensible comme en témoigne la pâleur extrême qui la prend soudainement Pourquoi détournes-tu ta joue pâle ? page 124). Elle peut cacher à Jason ses véritables intentions derrière des mots mais elle ne parvient pas à dissimuler la douleur qui l'habite et qui lui procure un mal-être traduit par sa blancheur et ses larmes. [...]
[...] Tout d'abord, Jason n'est pas présenté dans sa dimension mythique mais dans toute sa médiocrité et sa faiblesse. C'est donc un héros ordinaire et non modèle, ce qui crée un lien avec le spectateur. Bien qu'ayant déjà vécu plusieurs années en compagnie de Médée, il n'a pas conscience de ce dont sa femme est capable pour assouvir sa vengeance. Il devrait la connaître assez bien et pouvoir percevoir ce qu'elle cache derrière son masque. Or, il pense ne parler qu'à une femme jalouse alors que Médée est en réalité beaucoup plus perverse. [...]
[...] Or, il n'y prend pas garde alors que pour le spectateur, ce syntagme sonne comme un signal d'alarme et rappelle ce qu'elle manigance. De plus, lorsque Médée dit à ses enfants de revenir vainqueurs (page 129), ce terme est ambigu et est perçu comme un indice par le spectateur puisque Médée sous-entend par l'emploi de ce mot sa victoire sur Jason. En effet, elle attend impatiemment la nouvelle de la mort de la princesse qui lui permettra d'assouvir en partie sa vengeance. [...]
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