La Rochefoucauld, auteur des Maximes n'a jamais voulu être considéré comme un homme de lettres. Il s'est toujours attaché à garder son étiquette de frondeur et d'homme d'épée. Alors lorsqu'il a été dit que ce grand duc français avait abandonné le fer pour la plume cela semble trop restrictif. Comme l'a précisé Edith Mora dans son ouvrage intitulé François de La Rochefoucauld, il a voulu écrire avec son épée et ainsi créer « l'écriture lame ». Pourtant, les critiques lui ont trop souvent reproché de privilégier la forme de ses textes et de reléguer le fond à une place plus lointaine. Ainsi, Gérard Bauër écrit dans son anthologie Les Moralistes Français, « Ce qui a donné aux Maximes leur tour implacable, c'est évidemment la dure expérience d'une vie, c'est aussi le soin qu'à pris l'écrivain de leur imprimer une forme absolue » mais il relevait ensuite que « Le point faible d'une maxime est de livrer un trait de la nature humaine en l'isolant avec la même rigueur que la tragédie enferme un caractère dans une fatalité. Toute maxime (et singulièrement celles de La Rochefoucauld) donne l'impression de quelque chose d'« arrêté », d'invariable et cette immobilité semble trahir la vie, essentiellement mobile ». Cette idée reste tout de même assez paradoxale, au sens moderne du terme, puisque selon lui, la force des Maximes réside dans le fait que l'auteur leur a attribué une forme constante pour traiter d'un sujet mouvant, l'homme. La maxime permet-elle de décrire tous les rebonds de l'âme humaine ? Cette vague question pose le problème du rapport entre le fond et la forme des maximes.
[...] En effet, la maxime provoque la réflexion chez autrui et créée ainsi le paradoxe. Le moraliste utilise avec son écriture lame l'art du trait. Il ne peint que ce qui lui semble essentiel. Pourtant, pour P. Bouhours ce resserrement n'est pas forcément positif, il arrive qu'à force de serrer les choses, on les étrangle, et on les étouffe pour ainsi dire : si bien qu'une pensée est confuse dès qu'elle n'a pas l'étendue qu'elle doit avoir Mais, en étudiant plus précisément les maximes, nous comprenons que ce resserrement semble voulu par l'auteur puisqu'il permet la provocation. [...]
[...] Mais en plus de cela, La Rochefoucauld a souhaité construire un recueil de ses brefs écrits. Ceci signifie qu'il défend une thèse et n'écrit pas des maximes uniquement pour briller en société. Il a réellement voulu construire sa pensée. En effet, il a voulu organiser ses Maximes non pour décrire l'homme mais pour défendre plusieurs idées. Il veut avant tout montrer que le temps du héros cornélien a disparu pour laisser place à un homme dirigé uniquement par son amour-propre. [...]
[...] Finalement, La Rochefoucauld joue sur le narcissisme de son lecteur. Ce dernier a donc besoin de comprendre toutes les subtilités décrites dans les maximes. Ainsi, cette provocation à penser permet au lecteur de réfléchir sur lui et sur son époque. Comme nous l'avons vu précédemment, la maxime naît dans les salons et obéit parfaitement à l'esthétique de la conversation. Le lecteur a donc sa place dans la réflexion et de ce fait, la pensée de l'auteur ne fait pas autorité. [...]
[...] La maxime est alors une façon d'écrire qui témoigne d'une modification de l'état d'esprit de l'époque. Ainsi, nous pouvons remarquer que même si la maxime obéit à une forme très stricte, elle tend à se libérer des cadres de pensées de l'époque par le simple fait qu'elle naisse dans un cadre mondain. De ce fait, la maxime, prisonnière de sa forme, permet une ouverture de la pensée. La maxime s'oppose aux cadres de pensée dans lesquels elle semble être enfermée. Ceci permet d'ouvrir la réflexion. [...]
[...] Alors, chaque lecteur interprète les paroles de La Rochefoucauld à sa manière, celles-ci, n'étant pas autoritaires. L'expérience de chacun permet l'interprétation et tout le monde peut se confronter aux maximes. D'ailleurs, pour Roland Barthes, il y a plusieurs manières de lire ces écrits brefs. Nous pouvons tout lire dans l'ordre et nous imprégner ainsi des pensées qui traversaient cette époque classique mais les maximes semblent [nous] concerner à peine ou alors, nous lisons les maximes une à une en s'imposant une période de méditation pour comprendre toute la réflexion sur l'humain contenue dans les textes. [...]
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