Maupassant, Flaubert, tradition narrative réaliste, logique narrative, vraisemblance
Les commentaires d'un écrivain sur un autre sont toujours précieux en ce qu'ils nous aident à mettre en perspective sa propre poétique. Revenant sur la méthode de Flaubert, Maupassant note ainsi son inscription dans la tradition narrative réaliste en soulignant le rôle que tient l'observation dans la création de l'illusion romanesque, "son procédé artistique tenait bien plus encore de la pénétration que de l'observation", précise-t-il. L'auteur détaille ensuite la façon dont Flaubert applique cette méthode pour créer des personnages, "il imaginait d'abord des types", qu'il faisait ensuite agir selon une implacable logique narrative fondée sur la vraisemblance, "ils devaient fatalement accomplir [ces actions] avec une logique absolue, suivant leurs tempéraments." Maupassant loue la technique impersonnelle et objective choisie par Flaubert, et relève que le refus de la psychologie conduit le romancier à développer une poétique de l'extériorité : "les dedans étaient ainsi dévoilés par les dehors, sans aucune argumentation psychologique".
[...] La pointe révèle la tension avec la conclusion ambiguë de Mme Tellier : "Ce n'est pas tous les jours fête". De quelle fête s'agit-il ? Du monde charnel et pulsionnel de la maison close ou de celui qui propose ferveur et spiritualité autour d'une communiante ? Françoise Goyet relève ainsi : "non seulement la nouvelle part du préfabriqué mais elle n'en sort pas ; elle ne retaille pas ses matériaux pour en désavouer la simplicité présupposée. La nouvelle peut retourner les termes du problème mais sans nuancer ou reposer le problème". [...]
[...] Le texte s'organise sur une tension entre le monde médiocre de l'employé, développé par la description de la vie des Loisel, surtout après la perte du collier, et la vie élégante dont rêve Mme Loisel incarnée par Mme Forestier et symbolisée par son collier. Celui-ci résume les rêves d'élégance de la femme de l'employé et son succès d'un soir ainsi que le seul moment où les deux univers ne sont plus en tension. Mais la pointe de la nouvelle met à nu ce système en le renversant, quand Mme Loisel apprend que le collier était faux. [...]
[...] En érigeant les personnages en type, la nouvelle fait d'eux des représentants exemplaires de leur catégorie, qu'elle désigne des types qui existent déjà socialement ou qu'elle leur donne une représentation littéraire. Les caractères des personnages ainsi créés ne sont pas rendus par de longues analyses, Maupassant refuse comme son maître le discours psychologique : "au lieu d'étaler la psychologie des personnages en des dissertations explicatives, il faisait simplement apparaître leurs actes". C'est plutôt par la psychologie en action que nous est donné à comprendre le caractère. Ainsi Caravan se mettant à table alors qu'il vient de découvrir le décès de sa mère : " M. [...]
[...] En effet, contrairement à Zola pour qui l'écriture est "un coin de nature vu par un tempérament", pour Maupassant la réalité n'existe pas et "les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière". [...]
[...] La "méthode artistique" de Flaubert peut-elle s'appliquer à Maupassant ? Tous deux partent en effet de l'observation du réel pour construire l'illusion romanesque de leur récits et ont recours à des personnages types, qu'il font agir avec vraisemblance. Maupassant s'est efforcé d'adopter la technique impersonnelle et objective qu'il loue chez Flaubert, mais bien que cette technique prédomine, le genre même de la nouvelle remet en cause la notion d'apparition des personnages et des événéments. En effet, la structure antithétique oppose et renverse les lignes narratives, permettant moins de complexité, de nuance et d'évolution que dans le roman. [...]
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