Si la tendance à concevoir un système de société où les hommes vivent en paix apparaît déjà avec La République de Platon, c'est l'année 1516 qui marque la naissance de l'utopie par la publication d'un texte de Thomas More. Il s'agit de De optimo republicae statu deque nova insula Utopia ; en français cela se traduirait par "De la meilleure forme de gouvernement et de l'île nouvelle d'Utopie". L'Utopie de Thomas More représente une société idéale mais fait aussi implicitement une critique de la société réelle. Au dix-huitième siècle, s'épanouit la croyance dans le progrès et dans l'esprit humain et donc parallèlement le thème de l'utopie avec comme modèle notamment L'Utopie de Thomas More. On a souvent qualifié L'Ile des Esclaves de Marivaux de pièce utopique : cette caractérisation vous semble-t-elle pertinente ?
(...) Observons premièrement les éléments qui donnent à penser que L'Ile des Esclaves est une pièce utopique. L'utopie se définit tout d'abord comme un lieu tenu à l'écart du monde. Dans L'Ile des Esclaves, la première didascalie qui est "Le théâtre représente une mer et des rochers d'un côté, et de l'autre quelques arbres et des maisons" conforte le spectateur/lecteur dans l'idée que l'intrigue se déroule sur une île, idée fortement suggérée par le titre même de l'oeuvre. Dès sa deuxième réplique, Iphicrate confirme cette idée : "Que deviendrons-nous dans cette île ?"
(...) Si les rôles sont inversés, ce n'est que pour trois ans. Trivelin prévoit par ailleurs que les naufragés n'auront pas à rester fort longtemps sur cette île ; il le fait comprendre à Euphrosine lors de la scène 4 : "Ne vous impatientez point, montrez un peu de docilité, et le moment espéré arrivera". Il n'est donc nullement question d'opérer une révolution dans la hiérarchie établie. Les esclaves redeviennent d'ailleurs esclaves à la fin de la pièce. Marivaux ne veut ni créer une nouvelle société qui serait un modèle et un idéal, ni restructurer les rapports établis (...)
[...] Cependant, Marivaux intègre des bribes d'utopie dans sa pièce. Il mise d'une part sur le repentir et la promesse d'un comportement humain où l'oisiveté sera exclue et d'autre part sur des relations certes hiérarchisées mais où le respect sera désormais le maître- mot. Ces éléments soulignent le fait que l'utopie est une réalité difficilement accessible. Rappelons que la société d'Ancien Régime a été en proie constante à la duperie et aux mensonges. Laclos, dans Les Liaisons dangereuses illustre ainsi la perversion à laquelle était sujette le dix- huitième siècle. [...]
[...] Ainsi, Arlequin dès la première scène évoque sa déplorable situation en s'adressant à Iphicrate de la manière suivante: j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort Cette réalité sociale décrite par les valets est reconnaissable: il s'agit de la société d'Ancien Régime. Les vices des maîtres ainsi soulignés illustrent cette volonté du dramaturge de dresser la critique implicite de la société dans laquelle il vit par une transposition dans un lieu impossible à localiser géographiquement mais également une époque différente et lointaine qui est l'Antiquité. Dès lors, ces deux éléments que sont le lieu et le détour par l'utopie pour faire la critique d'une époque nous amènent à penser que L'Île de Esclaves pourrait être une pièce utopique. [...]
[...] Il serait en effet faux de considérer L'Île des Esclaves uniquement comme une utopie. Tout d'abord, l'utopie est censée présenter un système politique idéal. La présentation des lois de l'Ile faite par Trivelin à la scène 2 semble confirmer cette idée de système politique idéal avec pour principal objectif la ferme intention de corriger les maîtres. Mais cette idée est bien vite démentie car si les quatre naufragés finissent tous par reconnaître leurs torts, ils n'ont pas entièrement respecté les conditions de l'Ile et n'en sont pas pour autant punis. [...]
[...] Le fait que les conditions de l'Ile n'ont pas été véritablement remplies et que les esclaves redeviennent esclaves ne fait pas de l'Ile des Esclaves une société idéale où le système politique serait un modèle. Par conséquent, que penser de l'Ile des Esclaves si elle n'est pas une pièce utopique? Que la pièce ne soit pas utopique n'empêche pas d'y intégrer des bribes d'utopie du fait que l'utopie n'est pas forcément un genre à part; elle peut en effet être insérée dans un genre. [...]
[...] Observons premièrement les éléments qui donnent à penser que L'Île des Esclaves est une pièce utopique. L'utopie se définit tout d'abord comme un lieu tenu à l'écart du monde. Dans L'Île des Esclaves, la première didascalie qui est Le théâtre représente une mer et des rochers d'un côté, et de l'autre quelques arbres et des maisons conforte le spectateur/lecteur dans l'idée que l'intrigue se déroule sur une île, idée fortement suggérée par le titre même de l'œuvre. Dès sa deuxième réplique, Iphicrate confirme cette idée: Que deviendrons-nous dans cette île? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture