Voilà plusieurs mois que je suis à Paris et pourtant les mœurs des français n'ont pas fini de m'étonner. Il est en effet une coutume bien étrange se déroulant à la cour royale, et que je viens de découvrir.
Tu dois sans doute savoir, mon ami, que les sujets vénèrent leur roi comme un Dieu. Mais tu ne peux t'imaginer au combien cela est vrai, et surprenant ! Par exemple, ce prince ne passe pas une seconde seul sans compagnie : il est constamment entouré de ses sujets qui vivent autour et en fonction de lui comme les plantes ont besoin du soleil. Même la nuit, un petit valet dort au pied de lui, et s'occupe de le réveiller le matin. Même pendant son bain, même jusqu'à pendant ses selles (les « affaires » comme on dit ici), il n'a aucune possibilité d'intimité.
Mais ce n'est pas tout : non seulement le roi n'est jamais seul, mais en plus il ne peut rien faire de ses propres moyens. Il est incapable de se lever, de s'habiller, de se coiffer, ou même d'ouvrir les rideaux de son lit sans l'aide d'une multitude de serviteurs qui se dévouent à la tâche. Ainsi, ce prince n'ayant malheureusement pas la capacité d'ôter son propre bonnet de nuit, un « grand chambellan » est à disposition pour le faire à sa place. C'en est de même pour le maître et le premier valet de garde robe, qui, chaque matin, dans une subtile chorégraphie, ôtent avec délicatesse la sainte chemise de nuit, l'un par la manche droite, l'autre par la manche gauche.
[...] Car tout cela est bien une question d'honneur. Les sujets sont prêts à tout pour avoir le privilège d'être auprès de Leur Majesté. Tous les hommes l'admirent, et toutes les femmes soupirent pour lui. Je le soupçonne de posséder quelques pouvoirs secrets, car il a une démarche qui ne peut convenir qu'à lui seul, et qui eût été ridicule en tout autre. C'est d'ailleurs sans doute grâce à sa magie qu'il se complaît à en imposer par son air et que l'embarras de ceux qui lui parlent est un hommage flattant sa supériorité. [...]
[...] Car l'organisation n'est certainement pas ce qu'il manque à la cour de Versailles. En ce qui concerne les horaires, c'est certain, il n'y a pas plus brillant. À huit heures piles, c'est l'heure du petit lever du Sire, où se bousculent pas moins de vingt-deux personnes, valets, seigneurs, médecins, gentilshommes, chirurgiens et autres chanceux, pour admirer Le réveil. À huit heures trente (et pas une minute de plus), c'est le grand lever où le grand roi s'habille devant une cinquantaine de grandes personnalités telles le grand aumônier, le Grand-Veneur, le grand-louvetier, le grand maître des cérémonies, et autres grands hommes. [...]
[...] À la manière des Lettres persanes, décrivez ironiquement les mœurs françaises Voilà plusieurs mois que je suis à Paris et pourtant les mœurs des Français n'ont pas fini de m'étonner. Il est en effet une coutume bien étrange se déroulant à la cour royale, et que je viens de découvrir. Tu dois sans doute savoir, mon ami, que les sujets vénèrent leur roi comme un Dieu. Mais tu ne peux t'imaginer au combien cela est vrai, et surprenant ! Par exemple, ce prince ne passe pas une seconde seul sans compagnie : il est constamment entouré de ses sujets qui vivent autour et en fonction de lui comme les plantes ont besoin du soleil. [...]
[...] Mais ce n'est pas tout : non seulement le roi n'est jamais seul, mais en plus il ne peut rien faire de ses propres moyens. Il est incapable de se lever, de s'habiller, de se coiffer, ou même d'ouvrir les rideaux de son lit sans l'aide d'une multitude de serviteurs qui se dévouent à la tâche. Ainsi, ce prince n'ayant malheureusement pas la capacité d'ôter son propre bonnet de nuit, un grand chambellan est à disposition pour le faire à sa place. [...]
[...] Ces places d'honneur causent évidemment bien des jalousies entre les courtisans, mais cela n'a pas son importance, la reconnaissance du roi vaut toutes les querelles du monde. En somme, même si le rapport entre ces coutumes et le gouvernement d'un peuple est peu compréhensible, cela est fort amusant. J'essaierai d'en apprendre davantage et t'en ferai part dans une prochaine lettre. En attendant, imagine-toi un peu vivre à la place du roi. N'est-ce pas difficile ? Si, évidemment, en Perse on n'avait pas des idées pareilles. [...]
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