Mis à l'honneur dans l'Art poétique de Boileau, Malherbe est depuis longtemps considéré comme le poète le plus rigoureux de son temps et comme celui qui a mis en place des règles inflexibles et incontournables, pour les poètes qui lui succèderont au cours des siècles suivants. La rigueur est en effet ce qui frappe le plus dans la poésie de Malherbe, que l'on a même parfois taxée de froideur et d'impassibilité. Cependant, Antoine Adam, par ailleurs grand spécialiste de la poésie malherbienne, nous invite à réfléchir sur cette rigueur en ces termes : « L'ordre qui domine toute l'œuvre de Malherbe, qu'est-il donc que l'expression de l'ordre politique restauré ? La majesté de ses vers ne fait que traduire l'exigence de grandeur qui anime alors les hiérarchies. Et si cette majesté nous semble marquée de froideur, ce n'est pas à Malherbe que nous le devons imputer, c'est à son époque toute entière ».
Face à une telle affirmation, il convient donc de se demander jusqu'à quel point elle est adaptée à Malherbe et sa poésie. Ainsi, nous verrons comment la froideur de Malherbe est bien une transcription des événements politiques de son temps, puis nous verrons plus en détails pourquoi cette froideur est, au contraire, le signe d'une certaine esthétique voulue par le poète et donc sans lien avec les « hiérarchies ». Enfin, nous nous attacherons à voir comment cette poésie malherbienne témoigne de l'évolution générale de son temps, tout en intégrant plus particulièrement la pensée de Malherbe.
[...] En effet, la poétique de Malherbe se définit d'abord par son opposition aux poètes qui l'ont précédé : il se joue avec une froide ironie des codes pétrarquistes, qu'il convoque pour mieux repousser dans la majorité de ses poèmes amoureux, où il nous dépeint une figure masculine conquérante et cynique, en contradiction totale avec la vision pétrarquiste des rapports amoureux. Cette conception de l'amour qui rejaillit dans son œuvre n'est autre que l'expression d'une esthétique nouvelle, que Malherbe contribue à forger par son style, qui n'a donc plus rien à voir avec la majesté de la monarchie ou avec une quelconque influence du pouvoir. Il nous faut alors nous interroger plus spécifiquement sur la teneur de la poésie malherbienne et sur les raisons d'une telle rigueur dans la composition. [...]
[...] Mais si Malherbe s'aligne sur la monarchie, il témoigne également de l'importance de l'influence des hiérarchies à son époque, c'est-à-dire de l'Eglise et de l'Etat. Déjà, depuis Bertaut et Du Perron, la poésie française s'était tournée vers l'exaltation des grandes idées religieuses, et Malherbe ne fait que poursuivre dans cette lignée. Ainsi, dans L'imitation du psaume Lauda anima mea Dominum il affirme qu'il ne faut louer que Dieu, car les choses du monde ne sont que vanités et s'évanouiront avec le temps. [...]
[...] D'autre part, la réforme du style oratoire qu'entreprend Malherbe n'est pas unique en son genre, mais est au contraire en accord avec l'évolution philosophique et littéraire de son temps : en même temps, que lui, des magistrats comme Du Vair, L'Hôpital, Pibrac, de Thou ou Harlay entreprennent une réforme profonde de l'éloquence oratoire, mais dans le domaine juridique, exigeant également une correction et une pureté linguistiques parfaites. Malherbe ne fait donc que s'inscrire dans une tendance générale, qui parcourt son époque. Par ailleurs, si Malherbe est en accord avec les exigences stylistiques de son temps, il en intègre également les idées philosophiques. [...]
[...] La rigueur est en effet ce qui frappe le plus dans la poésie de Malherbe, que l'on a même parfois taxée de froideur et d'impassibilité. Cependant, Antoine Adam, par ailleurs grand spécialiste de la poésie malherbienne, nous invite à réfléchir sur cette rigueur en ces termes : L'ordre qui domine toute l'œuvre de Malherbe, qu'est-il donc que l'expression de l'ordre politique restauré ? La majesté de ses vers ne fait que traduire l'exigence de grandeur qui anime alors les hiérarchies. [...]
[...] Mais, plus qu'un initiateur, il en a été le continuateur, car il n'a fait que suivre un mouvement artistique d'ensemble, qui évoluait peu à peu du baroque au classique, et ne pouvait donc pas laisser Malherbe indifférent. Comme ses contemporains, il faisait partie de ce lent mouvement de transformation des arts, déjà engagé par Bertaut et Du Perron peu avant. Ce mouvement n'était d'ailleurs pas propre à l'art, mais reflétait plutôt les bouleversements profonds d'une société tout entière. Avant même Malherbe, les salons mondains réclamaient une langue plus claire et dépouillée d'archaïsmes, en opposition nette avec la doctrine de l'université. [...]
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