La lutte contre l'oppression dans les oeuvres d'art

Résumé du document

Camus explique que la raison pour laquelle il écrit est qu'il se sent concerné personnellement par l'oppression dont sont victimes beaucoup d'êtres humains, il dit : « je ne peux m'empêcher d'être du côté de ceux, quels qu'ils soient, qu'on humilie et qu'on abaisse ». Mais on peut se demander quelle est l'efficacité d'une oeuvre d'art dans le combat contre l'oppression ou l'injustice sociale. Pour traiter de cette question, nous examinerons dans un premier temps quels sont les moyens dont dispose l'artiste pour lutter contre l'oppression. Puis nous nous demanderons pour quelles raisons l'artiste engagé peut rater son objectif et être inefficace dans la lutte contre l'oppression (...)

Extraits

[...] Enfin, nous devons remarquer que le public qui lit un roman, un poème ou va voir un film, n'attend pas nécessairement d'être ému par une cause politique ou sociale. Il attend d'être ému par la beauté, par la représentation des souffrances ou des interrogations que suscite l'existence au sens large. Ainsi les sujets que traite l'artiste engagé sont trop spécialisés pour intéresser un large public. Ainsi l'œuvre d'art n'est sans doute pas le meilleur ou l'unique moyen qu'utilise l'homme engagé pour atteindre son but. Notons d'ailleurs que bien des artistes engagés ont été conscients du problème et qu'ils ont simultanément choisi la voie de l'action politique pour agir. [...]

[...] Ainsi Victor Hugo et Aimé Césaire ont été aussi des hommes politiques à leur époque et se sont présentés à des élections pour avoir le moyen d'agir concrètement. On voit donc que l'art peut et doit lutter contre l'injustice et contre l'oppression, dans la mesure où l'artiste a les moyens de toucher et d'émouvoir pour nous sensibiliser à une cause. Mais l'artiste ne doit pas se nourrir de l'illusion qu'il lui suffit de créer pour agir réellement. [...]

[...] L'œuvre engagée n'est utile pour faire prendre conscience d'une injustice ou d'une oppression que si elle rencontre un public au moment même où l'injustice se produit. Mais on constate que les œuvres engagées ont en général un public très restreint au moment de leur publication, ce qui limité considérablement leur pouvoir de mobilisation. C'est ce qui est arrivé aux poètes Paul Eluard et Louis Aragon, qui ont certes écrit des poèmes admirables pour inciter les Français à la résistance, mais qui ont été peu lus, en raison du faible tirage de leurs œuvres à l'époque et en raison des difficultés de diffusion de ces œuvres dans la clandestinité. [...]

[...] C'est ce que faisait Montesquieu dans Lettres Persanes où il critiquait la monarchie française, en utilisant une fiction dans laquelle des étrangers qui visitent la France s'étonnent par exemple de l'insolence et de la vanité de l'aristocratie française, alors que chez eux les aristocrates mettent toute leur énergie et leur activité au service de la collectivité, agissent non pour bénéficier de privilèges, mais pour être utiles aux autres. Cette même critique est exercée par les poètes français qui s'engagent dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et diffusent clandestinement des textes dans lesquels ils incitent à la lutte pour la liberté. L'art peut aussi provoquer chez son lecteur une prise de conscience d'injustices ou de violences qui se déroulent loin de lui. [...]

[...] Pour que la France n'oublie pas, il montre des ruines de chambres à gaz que les nazis ont essayé de détruire pour effacer les traces de leur crimes. Bien des années plus tard, Grumberg, dans la pièce de théâtre L'atelier, met en scène une veuve d'un juif mort à Auschwitz qui reçoit de l'administration française un document officiel mensonger disant que son mari est mort à Drancy. Ces œuvres, à force de répétition, ont fini par produire l'effet recherché, à savoir que les Français se regardent en face, reconnaissent leurs crimes et soient bien conscients de la bassesse dans laquelle peut sombrer un peuple qui, en refusant la guerre, au nom du fait qu'il ne veut pas souffrir en combattant, devient complice d'horribles assassins. [...]