Nous commencerons par voir si, comme le sous-entend le critique, le héros épique ou fabuleux est en accord avec le monde dans lequel il évolue. Puis nous nous interrogerons sur la rupture supposée entre le héros romanesque et le monde, pour enfin essayer de comprendre pourquoi Lucien Goldmann donne à cette rupture un caractère insurmontable, en faisant ainsi l'essence même du roman
[...] Il est donc le fruit de son environnement et n'existe que grâce à lui, d'où une certaine fusion entre le héros et le monde. On remarque d'ailleurs que le rôle du héros est très souvent de ramener la stabilité dans l'Etat. On pourrait en effet schématiser ainsi l'épopée et le conte : l'état initial contrarié par une force perturbatrice, arrivée d'une force équilibrante conduisant à l'état final. Le héros est la solution, il sert par ses actions le monde dans lequel il évolue. [...]
[...] On a ainsi découvert que cette idée de rupture insurmontable est inhérente au genre romanesque ; la principale raison en est que, comme le fait remarquer Vincent Jouve : le roman est plus que tout autre récit axé sur la représentation de la vie intérieur La psychologie, la conscience d'un individu s'opposent au monde extérieur, elles lui permettent de prendre du recul afin de voir et de juger le monde. Le monde n'existe donc qu'au travers du héros. A l'inverse, ce dernier n'existe qu'au travers du monde dans lequel il évolue. En arriverait-on à la conclusion quelque peu paradoxale que le héros et le monde sont unis par la rupture, qu'ils ne peuvent exister l'un sans l'autre et que leur unité est assurée par le roman lui-même ? [...]
[...] De plus, cette caractéristique que nous donne Lucien Goldmann ne peut réellement s'appliquer au Nouveau Roman. En effet, ce sous-genre ne s'attache plus réellement à la notion de héros. Le Nouveau Roman brouille totalement les valeurs classiques du genre romanesque, ce qui mène à une remise en cause de l'individu même. Dans son analyse Pour un Nouveau Roman, Alain Robbe-Grillet dit le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque, celle de l'apogée de l'individu Le Nouveau Roman ne réfléchit plus à la psychologie des personnages, il cherche même à renoncer définitivement à ceux-là en les réduisant parfois symboliquement à un simple pronom ou à une lettre. [...]
[...] Ceux là ne paraissent pas répondre pleinement à la continuité que l'on vient de découvrir entre le héros et le monde. Candide par exemple remet en cause l'optimisme pour finalement le rejeter totalement : Ô Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme. Toute une nouvelle dimension semble apparaître avec le conte de Voltaire puisque contrairement à la définition du genre, le conte n'est plus simplement un court récit de faits d'aventures imaginaires destiné à distraire Voltaire se sert du conte pour faire réfléchir et finalement pour réfléchir lui-même à la forme ; ainsi Zadig ou la Destinée pose la question de la destinée : la vie serait-elle une suite de hasards et d'absurdités ? [...]
[...] On peut prendre pour exemple parmi beaucoup d'autres La Vie de Marianne de Marivaux : Voilà ce qui m'a semblé de l'état où j'étais, et je pense aussi que c'est l'histoire de toutes les jeunes personnes de mon âge en pareil cas Ou encore Benjamin Constant, qui dans la préface de la seconde édition de Adolphe dit : Ce qui me ferait croire au moins à un certain mérite de vérité, c'est que presque tous ceux de mes lecteurs que j'ai rencontrés m'ont parlé d'eux-mêmes comme ayant été dans la position de mon héros. Il existe donc une rupture entre le héros et le monde par la structure même du genre romanesque. Cependant on peut se demander pourquoi Lucien Goldmann s'attache à parler de rupture insurmontable et pourquoi il en fait la caractéristique principale du roman. III. Il semblerait que l'on puisse parler du caractère insurmontable de la rupture qui sépare le héros de son monde, dans la mesure où c'est de cette rupture que naît le héros. [...]
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