L'inspiration poétique est infinie, il suffit de scruter le monde et de le transformer par des excès démesurés au gré d'une sensibilité exacerbée. C'est ce que nous offre Louis Aragon dans son recueil descriptif "au style irremplaçable, avec ses litanies, ses coups de griffes, ses caresses et ses gifles" : Le Paysan de Paris. C'est avec un nouveau regard sur l'existence que nous flânons aux côtés du narrateur, au coeur de son imagination poétique et de son inconscient : d'abord dans sa Préface à une mythologie moderne puis dans le Passage de l'Opéra et en passant par le parc des Buttes-Chaumont et pour conclure par le Songe du paysan. Une oeuvre à l'essence surréaliste époustouflante, "un livre qu'on peut s'attendre à retrouver longtemps entre les mains de gens très jeunes et particulièrement aptes à la colère". C'est le 20 juillet 1926 qu'apparaît "le brusque exercice" d'Aragon au gré d'une rupture naissante avec le mouvement d'André Breton : le surréalisme. Un roman, un recueil en prose, nous ne pouvons pas définir cette oeuvre, novatrice pour son temps, tant l'ambiguïté de son style est grande. Mais au fil de la trame descriptive, nous plongeons dans les méandres de ce monde qui est le nôtre, de cet univers au goût de poésie. Dans la critique du Paysan de Paris de 1930, Aragon déclare à propos de son livre que "la place prépondérante qui est faite à la poésie dans la vie se trouve étroitement liée à la négation de l'individualisme". Ainsi, toute la dimension poétique de son oeuvre acquiert une puissance au fil des dissections répétées du grand théâtre moderne qu'est la vie. Cette-dernière est une inspiration très forte et offre au poète des instants figés et des lieux éternels. Chaque seconde qui suinte est un absolu lyrisme que l'artiste ennobli à travers son art. Aragon a fait le choix de fuir la société pour créer lui-même son monde à travers l'onirisme poétique. L'individualisme, c'est considérer l'individu et ses droits comme supérieurs à la société. Mais l'homme ne peut prétendre exister dans un monde où le "je" subi le modernisme et où l'être humain, qui ne devrait être qu'une unité, se veut "nous". De plus, à travers la poésie, il n'est question ni de société, ni de droit, mais d'un merveilleux où tous les fantasmes sont possibles. Le poète nous enivre de ses expériences intérieures pour nous dessiner, petit à petit, son monde tel qu'il le voit, avec les griffes de son coeur et son amertume philosophique (...)
[...] 65). Le poète existe grâce à ses illusions sensibles. Son monde se créé et ses fondations ne sont que l'origine de notre réalité. Pour exister, il faut vivre avec des croyances, celles qui nous font tant rêver. Mais l'homme moderne oubli ce qu'est la mythologie, les dieux qui les entourent à chaque instant. Cette suprême essence de leur existence qui s'efface avec le temps. Ainsi, l'être humain édifie une nouvelle conception de la croyance : il déifie le modernisme sociétal. [...]
[...] Il s'est départi pour elles de la faculté de penser. (p.146). La société aliène le peuple avec les nouvelles technologies. Ainsi, Aragon se positionne comme poète engagé pour dénoncer les effets néfastes du nouveau règne de l'électronique. L'homme se perd et se croit libre en étant prisonnier par la structure sociale. Le désordre, c'est que cherche le poète à travers son ouvrage. Il accuse l'homme de suivre le mouvement, ce mouvement qui le transforme en machine : Par où entrent-ils, par où s'en vont-ils : une flèche ou une main indique à chacun sa destinée. [...]
[...] La sexualité est une façon de fuir la réalité. Le narrateur goûte donc aux plaisirs de son imagination mais aussi aux délectations sexuelles. Cette volonté de fuir le modernisme en exécutant des activités clandestines vouées au corps par l'intermédiaire d'une femme choisie au hasard, est une critique des lois du monde : Les lois du monde s'inscrivent en lettres blanches à votre devanture (p. 49). Le passage de l'Opéra est donc un lieu abyssal où les passions interdites sont possibles. [...]
[...] Le passage de l'Opéra est la définition même de l'éphémère. C'est un hommage qu'il rend à cet endroit chargé de magie et de fantômes oubliés : car c'est aujourd'hui seulement que la pioche les menaces, qu'ils sont effectivement devenus les sanctuaires d'un culte de l'éphémère qu'ils sont devenus le paysage fantomatique des plaisirs et des professions maudites (p. 21). Sa destruction reflète l'échec de l'individualisme. En effet, à partir des grands travaux d'Haussmann de 1860, le passage était condamné à la destruction et c'est en 1925 qu'il disparut. [...]
[...] Les sept vieillards de Charles Baudelaire, poème extrait des Fleurs du Mal. Paris, capitale du XIXème siècle, Walter Benjamin. Citation extraite du Magazine Littéraire de 1994. [...]
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