"Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié" écrit Voltaire dans son célèbre et très solennel Dictionnaire Portatif.
[...] A travers les uniformes bleus le lecteur de l'époque reconnaît les sergents de Prusse et savoure la connivence instaurée par l'auteur. Aujourd'hui, à l'inverse, la perte de certaines références culturelles entache la compréhension spontanée du texte si bien que le lecteur a désormais besoin d'explications pour pallier les difficultés scripturaires et la sophistication syntaxique inhérente aux œuvres des Lumières. Le lecteur d'aujourd'hui participe donc à moindre mesure à la construction du sens du texte. Pour autant, le conte philosophique ne se trouve pas amputé de sa fonction distrayante. [...]
[...] La mordacité de la formule c'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe lapidaire, impitoyable et évocatrice, rappelle le goût du luxe des Européens, qui font mine de ne pas connaître l'ignominie que subissent les esclaves dans les plantations de canne à sucre. Sa dignité désormais spoliée, l'esclave envie la condition des animaux face à la sienne. Parallèlement, à travers le discours du nègre de Surinam, Voltaire dénonce l'institution religieuse qui n'a de cesse de cautionner l'esclavage alors qu'elle prétend que blancs et noirs sont enfants d'Adam L'emploi du terme fétiches laisser percer l'ironie de Voltaire qui désigne de manière péjorative, ironique et condescendante les prêcheurs hollandais, dès lors assimilés à des superstitieux dont la religion est en réalité animiste. [...]
[...] Ainsi, Voltaire consacre son chapitre à la dénonciation de la cruauté humaine. Même si l'histoire et les personnages sont fictifs (ils préexistent à la création littéraire), ils sont tellement représentatifs d'un trait ou d'un comportement qui dépassent les époques qu'ils en deviennent presque intemporels. Ainsi, le personnage de Barry, silhouette fantoche, dans le roman Barry Lindon de Thackeray, à l'instar de Candide, devient lui aussi l'image exacte de l'inanité de sa conviction. Alors, les personnages de Candide acquièrent une force persuasive plus grande encore. [...]
[...] En effet, la tentative de construction du sens ultime de l'œuvre par le lecteur peut être vouée à l'échec. Ainsi, dans le troisième chapitre de Candide, Voltaire exhale son abomination pour la guerre. Au lieu de rédiger un véhément pamphlet délétère contre la boucherie héroïque guerrière, l'auteur préfère user de l'ironie en adoptant le point de vue naïf de Candide, qui assimile les combattants abares et bulgares sanguinaires à des héros et qualifie leurs désirs de viol de besoins naturels Derrière une représentation esthétique du champ de bataille si beau, si leste, si brillant perce la raillerie de Voltaire qui ne doit absolument pas être manquée sous peine de comprendre le chapitre à contresens. [...]
[...] surprendre par la logique du raisonnement inductif. Ici, Voltaire recourt à une argumentation qui utilise le masque du récit : il invite le lecteur à participer à la construction du sens de l'œuvre. Séduit par le charme du récit, le lecteur est d'autant plus fasciné et absorbé par les aventures de Candide, plus attentif au sort des personnages mis en scène qu'à la lourdeur argumentative de certains essais. Captive, le lecteur est plus réceptif à la leçon qui s'immisce à travers les lignes. [...]
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